Dans un arrêt inédit, la Cour de cassation2 est venue rappeler la prééminence des dispositions statutaires au sein d’une société anonyme sur le pacte d’actionnaires dans un contexte particulier. Cette forme de rappel à l’ordre semble en particulier opportune dans le domaine du private equity où, en pratique, la primauté du pacte érigée en règle immuable a tendance à occulter la portée des règles statutaires applicables à tous les actionnaires.
Par Jérôme Lombard-Platet, avocat, DS Avocats1
Les faits rapportés par l’arrêt font référence à une opération de capital-investissement à la base assez classique. En juillet 2010, une SAS créée par un groupe de personnes – que nous appellerons les «fondateurs» – ouvre son capital à des investisseurs. A cette occasion, la SAS est transformée en société anonyme (SA) à directoire et conseil de surveillance et un pacte d’actionnaires est conclu entre les fondateurs et les investisseurs. La transformation en société anonyme s’explique aisément : les investisseurs souhaitent mettre en place un cadre statutaire institutionnel permettant de contrôler aisément l’activité et la gestion des dirigeants, ce que permet la SA bien plus que la SAS, où le président a un rôle omnipotent. Dans le cadre des règles de gouvernance, il est précisé dans le pacte d’actionnaires conclu en parallèle des nouveaux statuts que la révocation des membres du directoire, compétence attribuée statutairement au conseil de surveillance3, doit être votée à une règle de majorité qualifiée des quatre cinquièmes des membres.
Quelques mois plus tard, en décembre 2010, l’assemblée générale extraordinaire des actionnaires vote une modification des statuts de la SA. Il est surprenant de noter que les statuts initiaux, ceux de juillet 2010, n’ont pas été fournis aux débats et leur absence n’embarrassera pas les magistrats dans leur analyse de la situation. La Cour «suppose» donc que la modification de ces statuts tient en ce que la règle de majorité des décisions du...