Dans une décision du 19 mai 2021 (1), le Conseil d’Etat considère que l’acquisition d’une société, suivie de l’appréhension à bref délai de ses liquidités en franchise d’impôt par la société cessionnaire, n’est pas constitutive d’un abus de droit dès lors que l’opération répond à une logique économique de groupe.
Par Nicolas Bourrier, avocat, CMS Francis Lefebvre Avocats
Une société acquiert l’intégralité des titres d’une société opérationnelle et perçoit de cette dernière, au cours de l’exercice d’acquisition, des dividendes soumis au régime mère-fille dont le montant total excède le prix d’achat
Une holding mixte ayant pour activité la gestion de titres et la location ou sous-location de transport routier de marchandises acquiert en 2007 l’intégralité des titres d’une société exerçant une activité de transport routier de marchandises.
Au cours du même exercice, la filiale nouvellement acquise distribue à sa société mère diverses sommes considérées comme éligibles au régime mère-fille. Le montant total de ces distributions excède le prix d’acquisition des titres de la filiale, étant précisé que la société mère ne déduit à cette occasion aucune provision pour dépréciation.
Dans le cadre d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale estime que l’opération est assimilable à un montage dit « coquillard » dont la censure sur le terrain de l’abus de droit a été validée par le Conseil d’Etat dans son arrêt Garnier-Choiseul (2). Elle remet corrélativement en cause le bénéfice du régime mère-fille.
Saisi de cette affaire, le Conseil d’Etat considère au contraire que l’abus de droit n’est pas caractérisé.
Contrairement à l’administration fiscale, le Conseil d’Etat considère que la situation en présence est exclusive de tout abus de droit compte tenu notamment de la logique de groupe à laquelle elle répond
Après avoir rappelé les principes l’ayant déjà conduit à considérer que l’acquisition de sociétés dépourvues d’activité réalisée en vue d’appréhender leurs liquidités en franchise d’impôt caractérise un abus du régime mère-fille susceptible d’être sanctionné sur le terrain de l’abus de droit, le Conseil d’Etat estime que tel n’est pas le cas en l’espèce.
A cet égard, il relève tout d’abord qu’à la différence des situations censurées par la jurisprudence « coquillard », la société cédée n’était pas, au moment de sa cession, une coquille vide puisqu’elle exerçait encore une activité économique et disposait de moyens matériels et humains pour poursuivre son exploitation.