L’article 3 du PLF pour 2020 étend les critères de résidence en France pour les dirigeants de grandes entreprises. Ce texte risque d’avoir pour les personnes concernées des conséquences fiscales allant au-delà de l’effet recherché.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat associé, Altitude Avocats
Selon l’article 4 B du CGI, sont notamment considérées comme ayant leur résidence fiscale en France les personnes qui y exercent leur «activité professionnelle principale».
Dans le nouveau régime qui serait mis en place, seront réputées remplir cette condition les présidents des conseils d’administration ou de surveillance, les directeurs généraux ou les membres de directoires de sociétés françaises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 250 M€.
L’objectif de ce dispositif est, nous dit-on, de permettre à la France d’imposer les rémunérations de toute nature perçues par ceux ou celles qui entreraient dans leur champ d’application.
Les premiers commentateurs de ces dispositions ont observé que les conventions fiscales, qui prévalent sur le droit national, pourraient faire obstacle à leur application effective.
Sans doute, mais cela n’épuise pas le sujet, comme le montre l’exemple suivant.
Envisageons la situation d’un membre du directoire d’une société française qui réside à Londres avec sa famille.
Par application du texte en débat, cette personne pourra être regardée comme résidente de France. Mais elle sera aussi considérée comme résidente du Royaume-Uni, conformément à la législation britannique.
En ce cas, la convention conclue en 2010 entre ces deux Etats dispose que cette personne sera considérée comme résidente de celui où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent.
Supposons que ce soit le Royaume-Uni : elle sera alors considérée comme résidente de cet Etat et elle ne pourra être assujettie à l’impôt sur le revenu en France, sauf si elle y perçoit un salaire, dont l’imposition par la France est permise par l’article 15 de la convention, auquel cas les dispositions nouvelles n’ajoutent rien à ce qui existe déjà.
Mais la convention franco-britannique, comme la plupart des conventions signées par la France, ne couvre ni tous les impôts ni toutes les obligations qui en résultent.
En particulier elle ne s’applique pas aux droits de donation. Or ceux-ci sont dus si le donateur a en France sa résidence fiscale (art. 750 ter du CGI).
Ainsi une donation consentie par cette personne à ses enfants serait-elle taxable en France alors même que les enfants ne vivent pas sur notre territoire. Il en irait de même d’une donation consentie à une institution charitable britannique, sauf à pouvoir démontrer que celle-ci répond aux critères d’exonération énoncés par notre Code, ce qui peut s’avérer assez délicat.
En revanche, en cas de décès, la convention conclue le 21 juin 1963 avec le Royaume-Uni dispose que les droits seront dus dans cet Etat si cette personne y avait son foyer permanent d’habitation.
On sait aussi que les Anglo-saxons organisent souvent leur patrimoine au moyen de trusts dont ils sont eux-mêmes bénéficiaires avec les membres de leurs familles.
Or les administrateurs de trusts sont soumis à des obligations déclaratives sévèrement sanctionnées dès lors que l’un des bénéficiaires est résident de France (art. 1649 AB du CGI). Ces dispositions trouveront donc à s’appliquer à notre dirigeant, qui ne le soupçonnait sans doute pas.
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