Une réforme d’ampleur, mise en œuvre rapidement, visant à «refondre la philosophie du droit du travail», au travers de la confiance faite aux employeurs et à leurs salariés pour mener un dialogue social de qualité adapté à leurs besoins. Des solutions pragmatiques, en partie destinée aux très petites entreprises et aux petites et moyennes entreprises, mais qui auront en réalité un impact majeur dans toutes les sociétés quelle que soit leur taille.Suffiront-elles à faire de la France une terre d’opportunités pour les investisseurs grâce à ce nouveau droit du travail ?
Par Emmanuel Bénard, avocat associé, et Hélène Daher, of counsel, Orrick Rambaud Martel
La réforme d’ampleur du droit du travail – et plus largement du modèle social français – lancée au cours de l’été 2017 a pour ambition de favoriser l’emploi et l’investissement en donnant la priorité aux TPE et PME et en instaurant une «flexi-sécurité à la française». Les apports des ordonnances du 22 septembre 2017 ne se limitent toutefois pas aux TPE et PME et préfigurent des évolutions majeures pour l’ensemble des entreprises. Transformer : une première ordonnance parachève la transformation de la négociation collective initiée par la loi El Khomri – parfois qualifiée d’«inversion des normes» – afin de permettre aux entreprises d’élaborer des normes conventionnelles au plus près de leurs besoins. Dialoguer : une seconde ordonnance tend à renforcer le dialogue social en créant une instance unique de représentation du personnel, pouvant même être dotée d’une capacité de négociation
1. Transformer : la décentralisation de la négociation collective
1.1. La négociation d’entreprise devient la règle
Consacrant la primauté de l’accord d’entreprise, l’ordonnance «relative au renforcement de la négociation collective1» décentralise les négociations, tout en listant les domaines dans lesquels l’accord de branche prime sur l’accord d’entreprise.
La subsidiarité de la négociation de branche est accentuée par le fait que l’accord d’entreprise peut toujours déroger à l’accord de branche, y compris dans les domaines pour lesquels il existe une primauté de l’accord de branche, sous réserve qu’il offre des garanties «au moins équivalentes» aux salariés. Un «principe d’équivalence» aux contours flous – qui devront sans doute être précisés par le juge – se substitue ainsi au «principe de faveur» irriguant la négociation collective depuis 1936.