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L’accélération des avancées technologiques rend l’évaluation de la durée de vie des actifs de plus en plus complexe. Avec l’obsolescence rapide de nombreux produits technologiques, les entreprises doivent s’adapter rapidement et remplacer les actifs devenus obsolètes pour rester compétitives. Cela peut notamment être un changement d’ERP ou d’applications logicielles, l’intégration de microprocesseurs améliorés et de l’IA dans les processus de production pour optimiser les performances des équipements, l’installation d’actifs plus efficaces énergétiquement. Dans ce contexte, comment déterminer les durées d’amortissement comptables de ces actifs et en sécuriser le traitement fiscal ? Question d’autant plus importante lorsque l’amortissement de ces actifs est inclus dans l’assiette de calcul du crédit d’impôt recherche (CIR), car il constitue alors un point d’attention supplémentaire pour l’administration en cas de contrôle fiscal.
Sur le plan comptable, la durée d’amortissement d’un actif doit être déterminée à la date d’acquisition de l’actif et correspondre à sa durée réelle d’utilisation, telle qu’elle est déterminée par l’entreprise. Ainsi, l’entreprise doit notamment tenir compte de l’obsolescence liée aux changements techniques ou aux nouveaux besoins, ainsi que des caractéristiques qui lui sont propres et qui reflètent son utilisation réelle de l’actif : critères physiques et économiques (quelles conditions et intensité d’utilisation et quelle usure en résultant ?) mais également juridiques (notamment lorsque l’utilisation de l’actif est liée à des contrats). Si plusieurs critères sont pertinents, la durée d’amortissement la plus courte doit être retenue. En cas de modification de cette utilisation en cours de vie de l’actif ayant un impact sur la durée d’utilisation, le plan d’amortissement doit être modifié.
Sur le plan fiscal, les règles d’amortissement sont sensiblement différentes : les actifs sont en principe amortis sur leur « durée d’usage »1, laquelle repose sur une pratique généralement établie de longue date dans le secteur d’activité concerné. Les actifs sont toutefois amortis sur leur durée réelle d’utilisation, comme en comptabilité, en cas de circonstances particulières justifiant de déroger à la durée d’usage et de retenir une durée plus courte (par exemple, la rapidité des progrès technologiques2) ou en l’absence d’usage, lorsque le bien peut être considéré comme nouveau3.
Dès lors, pour déterminer la durée d’amortissement fiscale des actifs technologiques innovants, il convient de suivre trois étapes : identifier précisément le bien et ses caractéristiques, rechercher une durée d’usage pour une utilisation comparable et enfin, examiner la possibilité de retenir la durée réelle d’utilisation (à défaut d’usage ou en cas de dérogation justifiée à l’usage).
En cas de contrôle fiscal, le contribuable doit prouver l’adéquation de la durée d’amortissement retenue aux usages ou justifier les circonstances particulières dans l’hypothèse d’une dérogation.
Cette justification doit être appuyée par des éléments concrets tirés des caractéristiques de l’actif ou de son utilisation, et appuyée par des éléments propres à l’entreprise qui peuvent être complétés par des données sectorielles, permettant par exemple d’illustrer l’évolution rapide des technologies.
Dès lors, comment sécuriser la durée d’amortissement comptable et fiscale dans un contexte d’évolution technologique importante ?
Pour déterminer la durée d’amortissement, les entreprises peuvent utiliser des données internes (durées déjà retenues pour des actifs similaires, projections d’utilisation fournies par les équipes opérationnelles) et externes (connaissance du marché, projections d’avancées technologiques, benchmarks sectoriels, informations et documentations techniques sur les produits transmises par les fournisseurs). Elles peuvent aussi s’appuyer sur les données fiscales (indications de la doctrine administrative sur les durées couramment utilisées en pratique4, jurisprudence pertinente).
Compte tenu des enjeux, il est recommandé d’établir dès l’acquisition des actifs et de conserver une documentation technique détaillée pour justifier la durée d’amortissement retenue. n
1. Article 39, 1-2° CGI.
2. BOI-BIC-AMT-10-40-10 n° 230 ; CAA Nancy
9 juillet 1992, n° 91NC00156.
3. CE 18 mai 2005, n° 261623 et 261791 et CE
4 août 2006, n° 271525.
4. BOI-BIC-AMT-10-40-30.