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Audit-conseil  - Vers une nouvelle rupture ?

Publié le 30 septembre 2022 à 17h46

Anaïs Trebaul    Temps de lecture 13 minutes

Alors que les grands cabinets d’audit et de conseil ont procédé à plusieurs réorganisations stratégiques ces vingt dernières années, pour des questions essentiellement réglementaires, EY vient de décider, de son propre chef, de scinder ses activités d’audit d’avec celles de conseil. Une stratégie non partagée par les autres cabinets… pour l’instant.

Les cabinets d’audit et de conseil entrent-ils dans un nouveau cycle stratégique ? Cette question, plusieurs professionnels du secteur se la posent, depuis l’annonce par EY, mi-septembre, de son projet de scission de ses activités d’audit et de conseil. Le réseau d’audit et de conseil mondial souhaite en effet rassembler ses activités de conseil en transformation digitale et stratégique au sein d’une nouvelle firme. « Elle regrouperait également le conseil en transaction et l’essentiel des activités juridiques et fiscales, précise Eric Fourel, président d’EY en France. L’audit, les activités d’accompagnement des directions financières ainsi qu’en matière de développement durable resteraient chez EY, qui devrait conserver son nom de marque. »

Le mouvement n’est pas nouveau en soi. Après avoir connu une grande expansion après la Seconde Guerre mondiale, les cabinets d’audit et de conseil ont vu leur modèle, fondé sur la complémentarité de ces deux activités, marquer un coup d’arrêt au début des années 2000 avec le scandale Enron. Non seulement le courtier en énergie a entraîné dans sa chute son auditeur, Arthur Andersen, mais l’affaire a également conduit à un durcissement de la réglementation. Sous la pression de leurs clients, les grands cabinets ont alors dû céder leurs activités de conseil (voir encadré).

Audit, conseil : cent ans d’évolution organisationnelle

  • Pour comprendre les enjeux que comporte la nouvelle organisation prônée par EY, il faut remonter quasiment cent ans en arrière. « Le krach de 1929 a accéléré l’exigence de sécurisation des comptes des entreprises américaines pour restaurer la confiance des investisseurs et des parties prenantes, rappelle Patrick Iweins, associé chez Advolis Orfis. Depuis 1934 et le Securities Exchange Act, la certification des comptes des sociétés cotées est ainsi devenue obligatoire aux Etats-Unis. L’audit a alors pris une nouvelle ampleur. » Ensuite, les cabinets accompagnent la croissance de l’activité économique pendant les Trente Glorieuses, en élargissant son champ à des missions de conseil. « Avec l’essor des grandes entreprises multinationales, les cabinets d’audit ont dû engager d’autres professionnels que des comptables, afin de leur offrir de nouveaux services et conseils », souligne Chrystelle Richard, docteur en sciences de gestion et professeure associée à l’Essec Business School.
  • Mais au début des années 2000, la découverte d’une fraude de grande ampleur au sein du courtier en énergie Enron, couverte par son auditeur, Arthur Andersen, met un brutal coup d’arrêt à ce modèle. « Ce scandale a remis au premier plan l’exigence d’indépendance des auditeurs, explique Patrick Iweins. Au regard de l’importance croissante des honoraires de conseil, l’audit ne devenait-il pas un produit d’appel pour le développement de missions de conseil chez le même client ? »
  • Les régulateurs américains, mais aussi français, décident alors de renforcer la réglementation pesant sur ces firmes. « On est alors passé d’une logique d’autorégulation à une supervision externe de la profession, résume Patrick Iweins. Aux Etats-Unis, en 2002, la loi Sarbanes-Oxley a instauré le Public Company Accounting Oversight Board (PCAOB), chargé de superviser l’audit des sociétés cotées, et a interdit la réalisation de missions d’audit et de conseil pour un même client. De même, la loi sur la sécurité financière de 2003 a institué en France le Haut conseil du commissariat aux comptes (H3C) comme superviseur de la profession, et a strictement délimité les missions autres que l’audit pouvant être rendues par les commissaires aux comptes à leurs clients. » Un certain nombre de cabinets cumulant à l’époque ces contrats d’audit et de conseil auprès des mêmes clients et face à la pression des clients, ces firmes décident de se séparer de leur activité de conseil, en système d’information essentiellement. Ainsi, après le démantèlement d’Arthur Andersen, dont la branche conseil est rebaptisée Accenture, EY cède ses activités de SSII à Cap Gemini et PwC à IBM. Le pôle conseil de Deloitte France prend son indépendance et devient Ineum (qui a depuis fusionné avec Kurt Salmon, pour devenir Wavestone). Seul KPMG ne réalise pas de mouvements d’ampleur à l’époque, n’ayant pas d’activité informatique importante, contrairement à ses concurrents. Le réseau se sépare néanmoins du cabinet d’avocats Fidal, qui en était affilié.
  • Depuis, les cabinets ont reconstitué leurs activités de conseil, poussés par des perspectives de croissance plus importantes sur ce segment.

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