La directive (UE) 2021/2101 du 24 novembre 2021 relative à la « communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés » (CbCR public) a été transposée en 2023 pour accroître la transparence des activités, des résultats et de la fiscalité des entreprises multinationales présentes dans l'UE. Cette directive s'appuie sur la directive (UE) 2016/881 du 25 mai 2016 « modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal » (CbCR fiscal) déjà existante. Cependant, des divergences notables existent entre ces deux obligations dont certaines impliqueront des choix de l’entreprise lors de la publication du premier rapport. Les entreprises concernées auront douze mois à compter de la clôture de leur premier exercice ouvert à compter du 22 juin 2024 pour déposer et publier le rapport.
Une obligation de droit commercial et non de droit fiscal
Les principales différences entre le CbCR public et le CbCR fiscal incluent la source du droit, l'obligation de dépôt, les sanctions et le rôle des commissaires aux comptes. Le CbCR public relève du Code de commerce et doit être déposé au greffe du tribunal de commerce, tandis que le CbCR fiscal relève du Code général des impôts et donne lieu à la souscription d’une déclaration dématéralisée auprès de la DGFiP. Les sanctions pour non-conformité diffèrent également, avec des amendes prévues pour le CbCR fiscal mais pas pour le CbCR public. Les commissaires aux comptes doivent vérifier l'existence du CbCR public sans attester de sa conformité avec les comptes.
Un choix possible entre différentes définitions pour les agrégats et la source des données à déclarer
S’agissant des agrégats à utiliser pour le CbCR fiscal, ils sont définis par la directive (et dans une certaine mesure par l’OCDE). Pour le CbCR public, un arrêté de 2023 offre une alternative entre les définitions des agrégats contenues dans le Code de commerce et celles prévues pour le CbCR fiscal. Ainsi, les informations produites pourraient être différentes selon le choix des groupes. Par exemple, l’agrégat « chiffre d’affaires » a théoriquement trois définitions : deux dans le Code de commerce pour le CbCR public et une dans les instructions OCDE pour le CbCR fiscal.
S’agissant de la source des données, pour le CbCR fiscal, l’entreprise déclarante peut choisir la source des données à déclarer parmi les états financiers consolidés, les comptes sociaux propres à chaque entité ou les comptes de gestion internes. Pour le CbCR public l’entreprise peut choisir de renseigner les différents agrégats en utilisant les sources de données prévues dans la directive relative au CbCR fiscal. Néanmoins, aucune précision n’est apportée lorsque l’entreprise choisit la définition des agrégats prévue par le Code de commerce.
Quel que soit le CbCR, les données dont il s’agit doivent être agrégées (et non consolidées) par juridiction. Rappelons néanmoins que pour le CbCR public, seules les données de certaines juridictions doivent être publiés, les autres pouvant l’être, de manière agrégée, pour le reste du monde.
Le périmètre à déclarer diffère également : le CbCR fiscal inclut toutes les entités contrôlées, même celles non consolidées, tandis que le CbCR public inclut uniquement les entités contrôlées comprises dans la consolidation.
Au vu de ces divergences structurelles, il pourrait être judicieux de préparer et / ou de publier un état permettant de réconcilier les états financiers consolidés et le CbCR public afin d’assurer la comparabilité des données.
Les modalités de publication et de mise à disposition : un casse-tête ?
Le CbCR fiscal doit être déclaré dans les douze mois suivant la clôture de l’exercice, en anglais, par l’entité-mère et partagé avec toutes les juridictions concernées, Cette simplicité tranche avec les modalités de publication prévues pour le CbCR public.
Ce dernier doit être publié dans le même délai sur un registre du commerce et mis à disposition sur le site internet de l’entité-mère ultime. Si la publication doit se faire dans une langue officielle de l’UE et dans un format électronique lisible par machine, les textes de transposition français prévoient que le rapport déposé au greffe du tribunal de commerce doit le cas échéant être traduit en langue française et certifié conforme.
Ensuite, à ce stade, les filiales françaises d’un même groupe sont toutes tenues de publier un CbCR public au RCS alors même que la directive offre une possibilité de publication au registre du commerce d’un seul état membre, sous certaines conditions (art. 48 ter §6).
Enfin et surtout, à travers le monde, des législations similaires ont vu le jour et divergent dans une plus ou moins large mesure. Ainsi en Australie, les informations chiffrées et qualitatives à publier diffèrent-elles. Même à l’intérieur de l’UE, les législations des Etats membres ne sont pas toutes les mêmes, Par exemple, la Roumanie a fixé la date d’application de la directive CbCR public aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2023 pour les groupes dont l’entité-mère ultime est établie en dehors de l’UE. En France, les données détaillés doivent inclure les informations relatives aux trois pays membres de l’EEE, en plus des 27 États membres de l’UE et il y est permis, de différer (dans un délai de cinq ans maximum) la publication d’informations dont la divulgation porterait gravement préjudice à la position commerciale des sociétés à laquelle elles se rapportent, alors que cette possibilité (qui dans la directive est une mesure optionnelle pour les Etats membres) n’est pas prévue dans toutes les juridictions.
Conclusion
La publication du CbCR public constitue une obligation distincte du CbCR fiscal, nécessitant une gouvernance dédiée et une adaptation des processus de production et de validation des informations. Les groupes doivent être conscients des différences majeures entre le CbCR public et le CbCR fiscal pour opérer les choix les plus pertinents et maîtriser leur communication. En effet, du fait de la transparence accrue engendrée par le CbCR public, il est essentiel d'anticiper les questions potentielles et les perceptions des parties prenantes.