Fort d’une expérience acquise au plus haut sommet des institutions financières, françaises comme internationales, Jacques de Larosière dénonce depuis des années les effets pervers de la financiarisation de l’économie. Son nouvel ouvrage recense «Les Dix Préjugés qui nous mènent au désastre économique et financier». De quoi faire réfléchir au moment où la France connaît une crise sociale inédite.
Dix ans après la crise financière de 2008, vous tirez à nouveau la sonnette d’alarme dans votre dernier ouvrage, consacré aux «dix préjugés qui nous mènent au désastre économique et financier»*. Pourquoi ?
On ne peut qu’être frappé par l’accumulation d’erreurs de politique économique qui ont été commises depuis une quarantaine d’années, non seulement en France, mais dans beaucoup de pays avancés. Ces erreurs ont conduit à une financiarisation excessive des économies, à un amoncellement de dettes et à des problèmes de chômage très élevés, en particulier chez les jeunes. Elles se sont aussi matérialisées à travers la crise financière de 2007-2008, dont nous ne sommes pas encore sortis. Comment les pays dits avancés, qui disposent d’une élite économique, d’une haute administration en principe compétente, ont-ils pu en arriver là ? En me penchant plus précisément sur la question, j’ai réalisé que les décideurs, économiques comme politiques, s’étaient constamment reposés sur un certain nombre d’idées reçues, en vertu du consensus mou qui caractérise nos sociétés. Ce dernier, au fond, les arrangeait car il leur évitait de prendre les mesures douloureuses qui étaient nécessaires. Je me suis dit qu’il serait intéressant d’analyser ces idées reçues qui sont toujours à l’œuvre, pour voir sur quels fondements elles reposaient et si elles n’étaient pas en fait que de simples illusions, très éloignées de la réalité.
Beaucoup des préjugés que vous dénoncez (concernant le rôle de la politique...