Grand connaisseur des arcanes de la finance internationale, inlassable défenseur de la cause européenne, Jacques de Larosière, ex-directeur général du FMI, ancien gouverneur de la Banque de France, continue de porter un regard percutant sur l’évolution du monde financier. Il dresse un premier bilan des changements réglementaires mis en œuvre depuis la crise et met en garde sur les impacts paradoxaux qu’ils pourraient avoir sur le financement de l’économie européenne.
Comment jugez-vous l’évolution du monde financier depuis qu’il y a environ 25 ans le mouvement de dérégulation a commencé en France ?
Jacques de Larosière : Il y a 25 ans – ou presque – a eu lieu un événement majeur sur le plan des institutions financières : c’est en 1988, en effet, que sous l’égide des banquiers centraux internationaux réunis au sein du comité de Bâle, les accords de Bâle 1 ont abouti à la création d’un ratio de solvabilité bancaire, dit «ratio Cooke». Cet événement a eu un impact important pour les banques françaises, car celles-ci avaient connu deux vagues de nationalisations, d’abord après la guerre, puis avec l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981, et n’étaient pas très fortement capitalisées. Pour se conformer aux règles de Bâle, elles ont dû consentir des efforts plus importants que les banques anglo-saxonnes, par exemple, qui étaient déjà bien capitalisées.
Parallèlement, la France a participé au mouvement international de dérégulation qui a permis aux institutions financières et aux marchés de financer avec beaucoup plus de liberté les activités contribuant à la croissance mondiale.
On a ainsi assisté à cette époque à une poussée considérable des mouvements de capitaux. Libérés de tout contrôle des changes, ils ont pris une place de plus en plus importante dans le financement de projets, d’infrastructures, du commerce international...
Comment jugez-vous l’innovation qui a accompagné ce mouvement de déréglementation ?
Jacques de Larosière : Il régnait à l’époque une double croyance, surtout dans les pays anglo-saxons. La première, c’était que l’innovation financière était bonne pour l’économie parce qu’elle l’est toujours quelle que soit l’industrie concernée, dans...