Pour un groupe cherchant à se financer sur les marchés, la palette des options disponibles est bien connue, allant de structures de pure dette à l’émission de titres de capital en passant par des instruments hybrides. Chacune de ces options présente ses propres avantages et inconvénients en fonction des besoins et des contraintes de l’émetteur. Cette palette s’est récemment enrichie d’un nouvel outil qui permet de dépasser la distinction classique entre dette et equity en combinant leurs avantages respectifs.
L’intérêt principal de cet outil, qui commence à se faire un nom sous l’appellation de « Subsidiary Quasi Equity » (ou SQE – à prononcer « ski »), est de permettre l’émission d’un instrument traité comptablement, selon les normes IFRS, en tant que « quasi-equity » à des conditions financières se rapprochant de celles d’un instrument de dette sécurisée.
Petite leçon de SQE : l’exemple d’Air France-KLM
Le groupe Air France-KLM fait figure de précurseur européen de cette structure pour y avoir eu recours à trois reprises dans des opérations conclues avec l’investisseur Apollo : un premier financement de 500 millions d’euros au profit d’une filiale dédiée détenant un pool de moteurs réalisé en juillet 2022, un deuxième financement également de 500 millions d’euros à une filiale détenant un ensemble de composants et de pièces de rechange réalisé en juillet 2023, puis un troisième financement d’un montant de 1,5 milliard d’euros à une filiale détenant l’exclusivité d’émettre et de vendre des miles avec les partenaires du programme de fidélité Flying Blue réalisé en novembre 2023.
L’originalité du schéma mis en œuvre dans le cadre de ces opérations ne repose pas tant sur la nature de l’instrument non sécurisé et bien connu, mais sur la structuration globale de l’opération.
Chacune de ces opérations repose sur l’émission de titres super-subordonnés (TSS) souscrits par l’investisseur. Afin d’être assimilés à de l’equity selon les normes IFRS, ces TSS doivent répondre à des conditions précises selon les standards de marché. En particulier, ces instruments doivent être à durée indéterminée, c’est-à-dire remboursables à la seule volonté de l’émetteur, et le paiement des intérêts doit rester à la discrétion de l’émetteur. Il est généralement prévu une faculté de remboursement anticipé au profit de l’émetteur à compter d’une période initiale (trois à quatre ans ou plus), en fonction du schéma souhaité et du traitement par les agences de rating.
La particularité vient du fait que ces titres ne sont pas émis directement par la société souhaitant lever le financement mais par une filiale créée ad hoc à laquelle sont transférés des actifs importants liés aux opérations du groupe et générant des flux financiers suffisants pour faire face à ses engagements financiers. Comme le montrent les opérations réalisées par Air France-KLM, il peut s’agir d’actifs corporels (moteurs ou composants) ou d’actifs incorporels (marques, contrats avec des partenaires commerciaux s’agissant du programme Flying Blue).
Une structure complexe mais sans impact au niveau opérationnel
La mise en place de ce schéma nécessite des travaux de structuration contractuelle afin de définir les relations entre le groupe et sa nouvelle filiale tout en donnant du confort à l’investisseur quant à la valeur des actifs concernés, la profitabilité de l’activité transférée à la filiale et la pérennité des flux financiers associés.
Le groupe conserve le contrôle opérationnel total de la filiale dédiée et des actifs qui y ont été logés, l’investisseur n’ayant pas vocation à être impliqué dans la gestion opérationnelle de cette entité. La mise en place de cette structure par le groupe Air France-KLM dans le cadre de ces financements s’est faite en limitant les conséquences opérationnelles pour le groupe, sans impact pour les salariés, les clients et les partenaires commerciaux du groupe.
Le caractère attractif de ce type d’outils fait peu de doute dans un contexte où les opérations de financement restent contraintes par les conditions de marché.