Evénement

Les Débats impact, finance et RSE 2024

Publié le 20 septembre 2024 à 15h00

Anne del Pozo    Temps de lecture 14 minutes

La dernière édition des Débats impact, finance et RSE, qui s’est tenue le 11 juin dernier, a donné la parole aux experts de la RSE et de la finance à impact : investisseurs institutionnels, gérants de fonds, entrepreneurs sociaux, ONG, etc., qui sont venus échanger et ouvrir de nouveaux champs de réflexion autour des questions sociales et environnementales. Ils ont également présenté les solutions à déployer et les investissements indispensables à l’accélération de la transition écologique.

La CSRD, un tournant dans l’évolution de la RSE et une opportunité pour les entreprises

La Corporate Sustainability Reporting Directive (CSRD) marque un jalon majeur dans la trajectoire de la responsabilité sociétale des entreprises (RSE).

Emilie Thevenet, associée, BDO Advisory

Il y a aujourd’hui, de la part de l’ensemble des entreprises, des comités et des comex, un vrai travail de montée en compétences à réaliser pour comprendre les normes et en particulier la CSRD, et faire le lien entre leurs activités et les enjeux de durabilité. « Les enjeux vont en effet bien au-delà du reporting, précise Emilie Thevenet, associée BDO Advisory. Il faut s’interroger sur la philosophie portée par la CSRD, comment l’entreprise se positionne par rapport à ces enjeux, quels sont les plans d’action, le calendrier et les équipes à mettre en place. » « Le but n’est pas de faire mieux, mais de faire bien pour rentrer dans ce qu’on appelle les limites planétaires qui sont indépassables », ajoute de son côté Fabrice Bonnifet, directeur développement durable & QSE, Bouygues & Président, C3D. Nous n’allons pas pouvoir continuer à dérégler le climat comme on le fait aujourd’hui, sans conséquences sur le business ». A cet effet, les entreprises n’ont d’autre choix que de mettre en place très rapidement des trajectoires de décarbonation validées par la science. Parallèlement, il va falloir revoir la métrique de la performance des entreprises au regard de cette nouvelle trajectoire.

Tony Bernard, directeur général d’Impact Tank

« En effet, si les entreprises continuent au même rythme sans avoir une bonne trajectoire de durabilité, elles vont tout simplement mourir », poursuit Fabrice Bonnifet. « Il y a également un défi social de transition juste, parce que ce sont toujours les catégories de population les plus modestes qui subissent la double peine, celle d’être les premières victimes des inégalités environnementales et des inégalités issues des solutions pour lutter contre les inégalités environnementales, ajoute de son côté Tony Bernard, directeur général d’Impact Tank. Il faut, dans le cadre de cette démarche, avoir une approche par les modes de vie, car ce sont eux qui nous ont amenés dans la situation de crises environnementales et ce sont par eux que nous en sortirons. »

La CSRD est une avancée significative et historique

Fabrice Bonnifet, directeur développement durable & QSE, Bouygues & Président, C3D

La CSRD constitue à ce titre une évolution fondamentale dans la façon dont les entreprises mesurent, rapportent et intègrent les dimensions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) dans leurs activités, et marque une première réponse à la nécessité croissante d’une transparence accrue. « Elle couvre un spectre plus large que la NFRD en termes de nombre d’entreprises et porte de fortes ambitions dans le contenu sur l’environnement, avec le climat et la biodiversité, souligne Tony Bernard. Elle pousse aussi beaucoup plus loin les enjeux de gouvernance et change la méthodologie avec la double matérialité. » « Sur tous les sujets matérialité d’impact, l’entreprise fait l’exercice d’analyser l’impact qu’elle a sur son environnement et comment l’environnement vient l’impacter, poursuit Emilie Thevenet, Les normes ont le mérite aujourd’hui d’harmoniser cette approche. L’objectif in fine consiste bien à montrer et comparer cette performance des entreprises. »

Stratégies de création d’impact : le capital-investissement, moteur d’impact et d’innovation

Sabrine Aouida, chief impact officer de WeeFin

« Le capital-investissement s’articule autour de trois enjeux : l’intentionnalité, la mission du véhicule ; l’additionnalité, sa contribution ; la mesure de cet impact et l’alignement des intérêts », explique Mathieu Cornieti, chair, National Advisory Board France de Global Steering Group for Impact Investment. « Pour mesurer l’impact, nous faisons une photographie au point d’entrée et nous nous mettons d’accord sur une feuille de route avec les dirigeants de la structure qu’on accompagne, précise Guillaume-Olivier Doré, président et co-fondateur d’Impact Source. Nous mesurons ensuite au fur et à mesure l’évolution en fonction de critères, puis nous mesurons le point de sortie. Nous accompagnons ainsi les transformations. Nous partons du principe que les statuts ne font pas la vertu, mais surtout, que les gens ne peuvent pas tout faire au même moment. Donc, on travaille avec eux dans la durée pour faire en sorte d’accélérer cette transformation, en partant de ce qu’on appelle l’intentionnalité et en la mesurant beaucoup. »

Mathieu Cornieti, chair, National Advisory Board France de Global Steering Group for Impact Investment

« Chez Andera Partners, nous avons monté un fonds d’infrastructure qui au, lieu d’investir dans les infrastructures elles-mêmes, investit dans les PME qui développent et exploitent ces infrastructures, témoigne Prune des Roches, associée d’Andera Partners. Nous faisons du private equity dans l’infrastructure. Nos PME développent des infras dans la transition énergétique, elles sont donc intrinsèquement propres, mais ça ne suffit pas à faire de l’impact, à avoir cette additionnalité. Nous faisons donc des audits financiers, fiscaux, légaux, techniques mais aussi d’impact de ces PME avant d’investir dedans, et nous regardons tout ce qu’elles pourraient améliorer dans leur mode de fonctionnement. »

Comment passer à l’échelle ?

Guillaume-Olivier Doré, président et co-fondateur d’Impact Source

Actuellement le marché se structure et double tous les deux ans. « Nous sommes sur un rythme de croissance qui est déjà important, souligne Mathieu Cornieti. Par contre, nous pouvons généraliser l’additionnalité, l’accompagnement des dirigeants, mais dans la limite de ce qui est possible et de l’argent que nous confieront les souscripteurs. » « Ce qui nous intéresse chez Impact Source, c’est plutôt d’essayer d’aider à la transformation le plus vite possible ou du moins plus vite que le mouvement naturel impulsé par le marché, indique pour sa part Guillaume-Olivier Doré. Nous sommes là pour impulser ce changement systémique dans une industrie qui doit se réinventer, parce qu’effectivement, c’est une autre manière de faire le métier. »

« Les freins potentiels du passage à l’échelle, c’est notamment le temps que nous y passons, précise pour sa part Prune des Roches, associée d’Andera Partners. Il faut une à deux personnes en plus dans une équipe pour suivre les sujets impact qui ne sont pas du tout simples. Néanmoins, je pense que la plupart des fonds, à la fin, iront vers des stratégies impact ou des méthodes d’investissement impact. Une société qui n’aura pas été gérée avec une méthodologie à impact aura à la fin un malus ou moins d’acheteurs potentiels. Elle sera donc moins bien valorisée. Les sociétés de gestion, en prenant conscience de cela, vont mettre en place des méthodologies d’impact. »

Réinventer la transparence : la nécessaire évolution du SFDR

Dans l’évolution constante du paysage financier mondial, la refonte du règlement SFDR émerge comme un point nodal. A mesure que la finance durable s’ancre plus profondément dans notre conscience collective, les ajustements réglementaires deviennent cruciaux. La transparence, la clarté et l’efficacité deviennent les maîtres mots de cette transformation.

Mathieu Azzouz, impact investing portfolio manager, Amundi Asset Management

Ces dernières années, on a beaucoup agi pour mettre en place, en particulier au niveau européen, le cadre réglementaire qui permet en principe à la finance durable d’opérer, notamment en mettant fin aux asymétries d’informations par un certain nombre d’obligations de transparence. On parle de la CSRD mais aussi de la SFDR sur les secteurs financier et non financier. « Nous avons désormais ces outils, mais il va falloir encore un peu de temps avant de pouvoir constater les premiers résultats, explique Benjamin Dartevelle, chef du bureau de la finance durable à la Direction générale du Trésor. L’objectif prioritaire maintenant pour la période qui vient, ce sera d’assurer le bon fonctionnement et l’efficacité de ce cadre réglementaire très structurant et d’effectuer des ajustements si des difficultés apparaissent à l’épreuve de la pratique. » Ces derniers mois la Commission européenne parle davantage de consolidation du cadre réglementaire existant. « La SFDR pourrait néanmoins faire l’objet d’une révision plus en profondeur », ajoute Benjamin Dartevelle.

Prune des Roches, associée d’Andera Partners

« L’objectif de la SFDR, c’est bien évidemment de rétablir la transparence, mais aussi de pouvoir inciter, flécher les flux de capitaux vers les investissements verts, rappelle Sabrine Aouida, chief impact officer de WeeFin. Depuis 2021, le bilan a été assez mitigé. Beaucoup de bilans relevaient le manque de lisibilité, de transparence, de pédagogie, etc. Cependant, il y a aussi eu des points positifs : la SFDR a permis de mettre l’ESG au centre du débat et à beaucoup plus de fonds d’intégrer des critères ESG. Pour rectifier le cap, côté WeeFin, nous avons fait la proposition de miser sur la transparence et le reporting et de simplifier le fond et la forme. » « S’il doit y avoir une évolution de SFDR, c’est dans une vraie logique de reconnexion de ce à quoi sert la finance et d’une connexion avec ce à quoi sert la comptabilité, historiquement, pour la gestion des entreprises, insiste pour sa part Alexandre Rambaud, co-directeur de la chaire Comptabilité écologique et membre sortant de la commission climat et finance durable d’AgroParisTech-CIRED. La finance durable doit servir à atteindre des objectifs et à flécher de l’argent par rapport à des objectifs précis. L’énorme apport de CSRD, c’est la question du chiffrage du coût et donc des nécessités de financement des plans d’actions, avec une distinction entre des plans d’actions portant sur l’évolution de modèles d’affaires et des plans d’actions sur la restauration et la préservation d’écosystèmes ou dans le cadre social. »

Accompagner la transition énergétique

Ana Pires, directrice investissement responsable de l’AFG

« Pour atteindre les objectifs du Green Deal et les objectifs de l’accord de Paris, il faut aussi financer les entreprises qui ne sont pas encore à la cible pour les accompagner dans leur transition énergétique, souligne Ana Pires, directrice investissement responsable de l’AFG. La CSRD va pouvoir nous aider dans cette démarche. » « La prise en compte de la transition reste néanmoins insuffisante dans le cadre actuel, indique Benjamin Dartevelle. S’agissant de SFDR, on peut se dire que typiquement, si l’on refonde les catégories de produits d’investissement, on pourrait en créer une plus axée sur la transition. Cependant, il ne faudrait pas de hiérarchie entre le produit axé sur la transition et le produit plus axé sur la durabilité ou les énergies renouvelables, etc. ». « D’autant qu’il y a plusieurs types de transition », précise Sabrine Aouida.

Créer de la valeur partagée : l’investissement responsable, moteur de la transition juste

Benjamin Dartevelle, chef du bureau de la finance durable à la Direction générale du Trésor

La transition vers un avenir plus durable et équitable nécessite une approche collaborative et responsable de l’investissement. A cette fin, il est impératif de réunir les experts de l’investissement, les dirigeants d’entreprises et des acteurs responsables pour explorer les opportunités et les défis de l’investissement responsable pour assurer une transition juste et équitable.

Alexandre Rambaud, co-directeur de la chaire Comptabilité écologique et membre sortant de la commission climat et finance durable d’AgroParisTech-CIRED

La définition universelle de la raison d’être d’une entreprise, c’est partager, créer de la valeur pour ses actionnaires et quand on va plus loin, pour ses parties prenantes. « Les trois mots clés de l’impact sont l’additionnalité, l’intentionnalité et la mesurabilité, explique Mathieu Azzouz, impact investing portfolio manager, Amundi Asset Management. Il y a plusieurs manières de faire de l’impact et pour nous, le mot clé, c’est solution. Depuis 10 ans, nous n’investissons que dans des entreprises qui apportent une solution à un enjeu social ou environnemental et dont 100 % du modèle économique est dédié à ce produit, ce service solution. L’intentionnalité est, dans le cadre de cette démarche, le mot clé qui va concerner toute étape de notre process d’investissement. »

Stéphane Prévost, directeur général, responsable de la gestion, La Financière Responsable

« De notre côté, l’additionnalité est vraiment la condition sine qua non de l’impact, indique pour sa part Jon Sallé, responsable performance S&E, SIDI. Nous la mettons en œuvre en investissant dans des pays qui sont sous-investis, les pays risqués, les zones rurales, etc. Nous nous sommes également dotés d’objectifs de mission ; nous visons les publics les plus fragiles et nous travaillons évidemment à la transition écologique. » « Pour notre part, ce qui nous intéresse dans le style de gestion que nous proposons à nos clients, c’est de montrer qu’on peut avoir des externalités positives également sur un certain nombre de sujets en plus des objectifs de création de performance et de création de valeur, explique Stéphane Prévost, directeur général, responsable de la gestion, La Financière Responsable. Nous recherchons des sociétés qui ont une politique de RSE et d’engagement en faveur du développement durable qui soit cohérente avec leur métier et leur positionnement stratégique. »

Comment la transition juste s’intègre-t-elle dans les process d’investissement, dans les décisions, dans les choix ?

Jon Sallé, responsable performance S&E, SIDI

« En matière de transition juste, nous laissons le soin aux entreprises de définir la qualité de leur engagement en matière de RSE et en faveur du développement durable, précise Stéphane Prévost. Ensuite, nous, nous jugeons les résultats qu’elles obtiennent, puis la hauteur des pratiques par rapport aux enjeux. » « De notre côté, nous maximisons l’impact environnemental et minimisons les éventuels impacts sociaux négatifs, indique pour sa part Mathieu Azzouz. Nous sommes convaincus que transition environnementale et impact social sont intimement liés. Donc, nous allons toujours embarquer un critère social qui ne va pas venir grever le modèle économique ni la thèse d’investissement qui est une solution bas carbone, mais qui permet de valoriser un impact social et qui permet une transition avant que ça devienne une révolution. » « Effectivement, les sujets de transition sociale et écologique vont de pair depuis assez longtemps, poursuit Jon Sallé. Nous travaillons avec des partenaires qui, par exemple, sont intéressés à ce que nous les accompagnions au niveau de la gouvernance dans leur propre transition écologique. Par ailleurs, nous nous reposons beaucoup sur les certifications. La question du commerce équitable permet par exemple de créer de la valeur, parce que dans les règles de ces certifications, il y a une obligation de transfert de valeur plus forte auprès des producteurs. »

Jean-Marc Borello, groupe SOS : « La solution pour changer le monde, c’est l’entreprise qui peut innover, prendre des initiatives, saisir les évolutions comme des opportunités »

« La solution pour changer le monde, c’est l’entreprise qui peut innover, prendre des initiatives, saisir les évolutions comme des opportunités. Au sein du groupe SOS, nous avons la conviction que si les statuts ne font pas la vertu, il faut, pour pouvoir définir la vertu, l’impact. Il faut donc pouvoir mesurer l’impact social, l’impact environnemental et l’impact économique. Or, il est important de mesurer l’impact de chaque décision à l’aune de ces trois sujets. La loi Hamon a pour la première fois autorisé les entreprises commerciales à revendiquer leur utilité sociale. La loi Pacte ensuite a permis aux entreprises classiques de se donner des objectifs, une mission, un comité de mission et donc d’avoir une ambition qui va un peu au-delà de la distribution de dividendes. Ces deux univers qui créent de la valeur et essaient de la répartir de manière équitable doivent se rejoindre. Ces entreprises quelles qu’elles soient ont néanmoins besoin d’investissements. Aujourd’hui, il faut tracer une voie pour les investisseurs. La rentabilité économique est certes importante, mais il faut aussi que nous soyons capables de leur rendre compte aux investisseurs de ce à quoi a servi leur argent sur le plan environnemental et sur le social. »

Pascal Durand, député & rapporteur de la directive CSRD au Parlement européen : « Une entreprise qui n’entre pas dans le schéma de la CSRD peut être écartée des financements »

« La CSRD est née de l’alignement entre les demandes de l’ensemble des parties prenantes (investisseurs, ONG, syndicats, salariés), et de la volonté de donner au board des tableaux de bord sur des éléments non financiers lisibles, clairs et normées. L’objectif consiste à ne plus opposer les logiques de durabilité aux logiques de rentabilité ou économiques.

Certes, cette CSRD va générer des contraintes et des coûts supplémentaires. Mais c’est aussi un outil qui va permettre à l’entreprise de progresser, d’avoir une meilleure rentabilité et une meilleure lisibilité sur son futur. Une entreprise qui n’entre pas dans le schéma de la CSRD peut être écartée des financements parce que les investisseurs ne vont pas spontanément aller vers des entreprises dans lesquelles ils n’ont pas suffisamment de renseignements, exactement comme en matière financière. D’autre part, si elles n’entrent pas sur des normes et standards dédiés aux PME, alors, ce sont les donneurs d’ordres qui vont imposer ces normes et standards. »

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