Entretien avec Rémi Kireche, directeur plaidoyer, AFME (Association for Financial Markets in Europe).
Le ministre des Finances, Bruno Le Maire, a mis en place une mission sur la relance de l’union des marchés de capitaux en Europe. Y a-t-il urgence à raviver ce projet ?
Ce projet a été lancé il y a une dizaine d’années sous la présidence de Jean-Claude Juncker, avec deux objectifs principaux : diversifier les sources de financements en Europe, celles-ci reposant trop sur le crédit bancaire, et promouvoir les financements des transitions environnementale et digitale. La première nécessitera des financements à hauteur de 620 milliards d’euros par an jusqu’à 2030, la seconde 125 milliards d’euros par an, selon la Commission européenne. Il va sans dire que les Etats, s’ils accepteront de financer une partie de ses dépenses, ne peuvent tout prendre en charge, alors même que les règles budgétaires contraignantes du pacte de stabilité viennent d’être réactualisées : pour une grande partie, il faudra faire appel au privé. La deuxième urgence, c’est de rendre l’économie européenne plus compétitive, ce qui passe bien sûr par une plus grande capacité de financement, notamment des entreprises innovantes. Pourquoi, en 2023, deux introductions en Bourse sur trois de start-up soutenues par des sociétés de capital-risque européennes ont eu lieu sur des places boursières non européennes ? Parce que le marché y est plus profond et liquide et qu’elles y trouvent une base d’investisseurs plus forte, grâce à un marché unifié. Le PIB des Etats-Unis atteint 22 000 milliards d’euros, contre 16 000 milliards pour l’Europe, soit un écart de 38 %. Le différentiel en matière financière est beaucoup plus important : le marché du capital-risque est dix fois moins important en Europe, le marché obligataire trois fois plus petit.