Interview de Romain Svartzman, chercheur senior au Centre sur le changement climatique de la Banque de France
Vous êtes le coauteur du dernier rapport* de la task force Nature, constituée dans le cadre du NGFS (Network for Greening the Financial System), un réseau qui rassemble des banques centrales et des superviseurs internationaux. En quoi le sujet intéresse-t-il ces institutions ?
L’enjeu représenté par le changement climatique a fait ces dernières années l’objet d’une prise de conscience forte quant aux risques qu’il fait peser. Néanmoins, c’est la nature dans son ensemble (climat, eau douce, océans, biodiversité, qualité des sols…) qui est menacée par les pressions causées par certaines activités humaines. On assiste notamment à un recul de la biodiversité sans précédent dans l’histoire de l’humanité : on estime par exemple que le rythme d’extinction des espèces est entre des dizaines et des centaines de fois plus élevé que dans les derniers millions d’années. La perte de nature au sens large peut donc avoir de lourdes répercussions socio-économiques, financières… et impacter à ce titre les fondements mêmes du mandat des banques centrales, à savoir la stabilité des prix et la stabilité financière. Une baisse de rendements agricoles liée à un appauvrissement des sols pourrait par exemple avoir un effet sur les prix et potentiellement générer des pressions inflationnistes. Quelques études préliminaires avaient ainsi été menées il y a quelques années par des banques centrales, d’abord aux Pays-Bas, puis en France. En parallèle, le NGFS avait également procédé à des travaux préliminaires sur la biodiversité et la nature, auxquels des chercheurs de la Banque de France ont activement contribué. Ces travaux ont abouti à la création de la task force Nature en mars 2022.