Dans un ouvrage décapant consacré au sauvetage du Crédit Lyonnais qu’il a présidé pendant dix ans, Jean Peyrelevade dénonce le fonctionnement mandarinal des élites politiques et administratives françaises, incapables de tirer les leçons des désastres survenus dans certaines entreprises publiques.
Votre dernier ouvrage Journal d’un sauvetage narre par le menu le parcours du combattant qu’a été la mise en œuvre du redressement du Crédit Lyonnais, dont vous aviez été nommé président en 1993. Pourquoi publier ces souvenirs maintenant ?
D’abord, j’avais à ma disposition la multitude de notes que j’avais prises à l’époque. C’est la seule fois de ma vie où j’ai tenu un journal, heure par heure ! J’avais en effet le sentiment d’être très isolé dans un univers devenu totalement irrationnel, où le principe de réalité était nié. J’ai noté tout ce qui m’arrivait pendant dix-huit mois. Avec le recul, j’ai réalisé que cette masse d’informations constituait un témoignage exceptionnel sur la façon dont fonctionne l’Etat, et sur le comportement de nos élites politiques et administratives. Par ailleurs, j’ai longtemps cru que l’affaire du Crédit Lyonnais resterait un événement exceptionnel. En fait l’histoire s’est répétée avec Dexia, dont les pertes en valeur absolue sont du même ordre de grandeur, et qui, contrairement au Crédit Lyonnais, a été mise en liquidation. Mais ce qui m’a encore plus ébranlé, c’est Areva. Le Crédit Lyonnais était conseil du Trésor lors des réflexions qui ont préludé à sa constitution, et notre rapport recommandait de ne pas fusionner les sociétés concernées. Sous la pression d’Anne Lauvergeon, cette position n’a pas été retenue par le ministre de l’Economie de l’époque, Laurent Fabius, et nous avons même été déchargés de notre rôle de conseil… Je ne m’attendais pas toutefois à ce que l’affaire tourne aussi mal. J’ai ainsi réalisé que ce qui était arrivé au Crédit Lyonnais était loin d’être un accident isolé.