Le vieillissement de la population et la stagnation de la productivité constituent, pour l’Europe en général et la France en particulier, des risques majeurs d’affaiblissement de la croissance dans les années qui viennent, prévient Patrick Artus, membre du Cercle des économistes. D’autant que la transition énergétique et les enjeux de souveraineté nécessitent des investissements lourds, que des économies endettées vont difficilement pouvoir financer.
Dans votre dernier ouvrage, « Quelle France en 2050 ? »*, co-écrit avec Marie-Paule Virard, vous estimez qu’à cet horizon, l’Europe en général et la France en particulier devraient voir leur poids nettement reculer dans le PIB mondial, les Etats-Unis restant de loin l’économie dominante. Comment expliquer une telle perspective ?
L’Europe et la France sont confrontées aux mêmes maux : la baisse de la population en âge de travailler, qui conduit à une baisse structurelle de la production par habitant, et la stagnation de la productivité depuis 2019 (la France étant le grand pays de la zone euro où elle a le plus reculé). Par conséquent, la croissance est avant tout tirée par la hausse du taux d’emploi, qui a mécaniquement progressé du fait de la baisse de la population en âge de travailler, des réformes des retraites dans tous les pays, et des tensions sur le marché du travail. Le modèle de croissance européen est ainsi intrinsèquement plus fragile que le modèle américain, où la croissance vient des gains de productivité (2 % par an aux Etats-Unis, 0 en Europe) et de la hausse de la population en âge de travailler (1 % aux Etats-Unis, – 0,5 % en Europe). En extrapolant l’évolution de ces trois composantes de la croissance potentielle, le poids de l’Union européenne passerait ainsi de 21,5 % du PIB mondial en 2022 à 15 % en 2050, tandis que celui des Etats-Unis augmenterait de 29,6 % à 35,4 %.
A quoi tient le recul de la productivité en Europe ?
Le vieillissement de la population ralentit par nature la productivité, mais son recul...