Le marché français du financement, et en particulier celui du financement immobilier, recèle de nombreuses particularités dictées par le droit français dès lors que l’emprunteur ou l’actif financé sont situés en France.
Au-delà des sujets relatifs au taux effectif global ou à l’information des cautions (que la réforme du droit des sûretés entrée en vigueur le 1er janvier 2022 a étendu aux sûretés réelles constituées par un tiers) deux sujets impactent généralement la structuration des dossiers de financement immobilier en France : d’une part celui de la structuration des prêts faits par les associés de l’emprunteur ou leurs affiliés en complément du financement senior et, d’autre part, celui de la capacité d’une société française à garantir les obligations d’autres emprunteurs dans le cadre du financement d’un portefeuille d’actifs détenus par plusieurs sociétés.
Structuration des avances d’actionnaires, explications
La question de la structuration des avances d’actionnaires est à analyser en particulier à l’aune des restrictions relatives au monopole bancaire. L’article L.511-5 du Code monétaire et financier « interdit à toute personne autre qu’un établissement de crédit ou une société de financement d’effectuer des opérations de crédit à titre habituel ». Cependant l’article L.511-7 du même code prévoit des exceptions à cette interdiction et permet en particulier qu’une entreprise « puisse procéder à des opérations de trésorerie avec des sociétés ayant avec elle, directement ou indirectement, des liens de capital conférant à l’une des entreprises liées un pouvoir de contrôle effectif sur les autres ». La doctrine comme la pratique considèrent que la notion « d’opérations de trésorerie » est à interpréter largement et permet les prêts d’un actionnaire à un emprunteur français pour autant que la condition du contrôle soit satisfaite. Attention toutefois : d’une part, pour un actionnaire minoritaire, le risque de ne pas bénéficier de l’exception existe et il faut alors trouver d’autres outils (obligations, prêts participatifs ou compte courant d’associé) ; d’autre part, la jurisprudence relative aux exceptions au monopole bancaire est mouvante comme le montre un arrêt de 2022 relatif à l’exception dite du crédit inter-entreprises.
Point important : la capacité d’une société à garantir les obligations de sa mère
La question de la capacité d’une société française à garantir les obligations au titre d’un financement souscrite par sa société-mère est un élément important dans le cadre de la structuration d’un dossier d’acquisition de plusieurs actifs, que ce financement soit souscrit au niveau d’une holding (pour financer l’acquisition d’une société détenant un immeuble dans la cadre d’un share deal) ou pour prêter les fonds empruntés à des filiales achetant des immeubles dans le cadre d’un asset deal. Dans ces dossiers, l’idée étant d’établir une cross collateralisation entre les différents actifs et de proposer aux prêteurs un risque moindre, il est important de prendre en compte les spécificités du droit français. Il aussi important de comprendre que ces règles s’appliquent aussi bien à une garantie personnelle (cautionnement par exemple) qui serait consentie par la filiale française qu’à une sûreté réelle (l’hypothèque consentie par la filiale française sur l’immeuble qu’elle détient) garantissant les obligations de sa société-mère ou d’autres filiales de la société-mère. Les règles applicables dépendent de la forme sociale de la filiale française mais globalement il est important de savoir que la capacité de cette dernière sera limitée en principe et en montant : par exemple garantir la dette souscrite par la société-mère pour acquérir les titres de la filiale française n’est pas possible et, en tout état de cause, les sommes garanties par la filiale française sont limitées aux montants qu’elle reçoit elle-même au titre du financement garantie. Ces questions sont complexes et méritent une analyse au cas par cas.