La multiplication des normes fiscales et la complexité des règles qu’elles instituent a rendu la compliance fiscale difficile si ce n’est parfois impossible pour les groupes.
Par Laurent Hepp, avocat associé en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des entreprises et groupes de sociétés qu’en fiscalité des transactions et private equity.
laurent.hepp@cms-fl.com et Vincent Forestier, avocat en fiscalité. Il conseille au quotidien des sociétés dans le cadre de leurs problématiques en fiscalité directe ainsi que dans leurs opérations d’acquisitions, de capital-transmission et de restructuration. vincent.forestier@cms-fl.com
Alerté de ces difficultés, le Législateur étudie actuellement, dans le cadre du «projet de loi pour un Etat au service d’une société de confiance», la reconnaissance d’un «droit à l’erreur» au bénéfice des administrés. Ce faisant, il complète les possibilités de régularisation issues de la loi et de la pratique des services vérificateurs en matière de «justice gracieuse».
Les démarches de régularisation spontanée, ou en cours de contrôle, permettent aux contribuables d’échapper à l’application des pénalités lorsqu’ils n’ont pas déposé, ou ont déposé de façon incomplète, des états et déclarations rendus obligatoires par les dispositions légales.
C’est ainsi que, sous certaines conditions, des régularisations peuvent être sollicitées s’agissant de l’imprimé fiscal unique (IFU) et de la déclaration des commissions, courtages et honoraires (DAS 2) en cas de première infraction commise au cours de l’année civile et des trois années précédentes. Cette possibilité a été étendue par l’administration fiscale aux infractions des trois années précédentes pour la DAS 2 uniquement1. En pratique, on peut constater que l’Administration applique généralement une solution identique en matière d’IFU. L’amende s’élevant à 50 % des sommes non déclarées, les opérateurs peuvent mesurer l’intérêt d’une faculté de régularisation, particulièrement précieuse lorsque de tels manquements sont identifiés dans le cadre d’un audit d’acquisition.
Le projet de loi en cours d’examen consacre le principe du «droit à l’erreur» à travers plusieurs dispositifs prévoyant notamment :
– une réduction de 50 % des intérêts de retard en cas de dépôt spontané par le contribuable d’une déclaration rectificative et la généralisation de leur réduction à hauteur de 30 % si une erreur de bonne foi est régularisée lors d’un contrôle ;
– la possibilité de ne pas appliquer l’amende de 5 % en cas de défaut de transmission par les entreprises de divers documents servant à calculer l’impôt (suivi des plus-values latentes, par exemple) en cas de régularisation spontanée, ou à première demande de l’Administration ;
– l’extension sur trois ans de la possibilité de régulariser les erreurs ou omissions portant sur la déclaration DAS 2, déjà admise par la doctrine, et l’extension de cette possibilité aux régularisations à première demande du fisc (sans, hélas, que cet assouplissement ne s’applique aux IFU) ;
– l’inscription dans la loi d’une procédure de rescrit fiscal en cours de contrôle ;
– la création d’une «garantie fiscale» en vertu de laquelle les points n’ayant pas fait l’objet d’une rectification seraient considérés comme tacitement validés par l’Administration ;
– l’habilitation du Gouvernement à légaliser par ordonnance le dispositif dit de la «relation de confiance» selon lequel l’Administration pourrait examiner sur demande des entreprises la conformité de leurs opérations à la loi fiscale et prendre formellement position sur l’application de celle-ci.
Ces mesures de sécurité juridique issues du projet de loi, dont l’examen est désormais suspendu à la résolution du désaccord persistant entre les deux assemblées, devraient permettre de limiter très substantiellement les risques déclaratifs qui constituent des points de discussion fréquents entre acheteurs et vendeurs à l’occasion d’une transaction. Elles contrastent lourdement avec celles annoncées dans le cadre du projet de loi relatif à la lutte contre la fraude qui introduit, entre autres dispositions, la publicité des sanctions (procédure dite du «name and shame»), la sanction des tiers facilitant la fraude fiscale et l’indexation des amendes pénales sur le produit retiré par le contribuable.
Bienveillance face aux lourdeurs déclaratives, intransigeance face aux comportements frauduleux semblent ainsi se répondre, «en même temps» mais dans un équilibre incertain, à travers ces deux projets de loi.
1. BOI-CF-INF-10-40-30, n° 20, à jour au 6 décembre 2017.