La lettre des fusions-acquisition et du private equity

Juin 2018

Protection du secret des affaires : les nouveautés

Publié le 15 juin 2018 à 15h53

Jean-Baptiste Thiénot

La France est sur le point de se doter d’une législation sur le secret des affaires, le vote de la loi de transposition de la directive 2016/943 étant prévu en juin 2018. C’est donc le moment de se poser les bonnes questions pour tirer profit de cette avancée.

Par Jean-Baptiste Thiénot, avocat counsel en droit de la propriété intellectuelle. Il accompagne les entreprises dans la protection et la valorisation de leurs innovations (brevets, secret d’affaires, savoir-faire) tant en conseil qu’en contentieux.  jean-baptiste.thienot@cms-fl.com

Le texte vise à établir un régime de protection étroitement inspiré de celui des droits de propriété intellectuelle. Pour autant, la nouvelle protection n’institue pas un monopole de droit : le détenteur d’un secret ne saurait former le moindre reproche à un tiers si ce dernier a obtenu les mêmes informations sans qu’aucune faute ne soit commise (par exemple, par ingénierie inverse). Par ailleurs, cette protection ne limite nullement la liberté d’information, l’exercice du droit à l’information des salariés ou de leurs représentants ou les lanceurs d’alerte. Au contraire, ces derniers seront désormais protégés par un texte spécial.

Le texte vise à protéger le patrimoine informationnel des entreprises face à l’espionnage économique et à la concurrence déloyale et à harmoniser la protection à l’échelle de l’Union européenne. Toutes les entreprises, quels que soient leur taille ou leur domaine d’activité, sont concernées. En effet, la définition du secret des affaires est large. Trois critères doivent être réunis : l’information doit être secrète, avoir une valeur commerciale et l’entreprise doit mettre en œuvre des mesures raisonnables de protection.

Pourraient ainsi être protégées des informations d’ordre commercial (fichiers clients, prix), économique (études de marché), technique (algorithmes, recettes, procédés de fabrication) ou stratégique (business plan, plan de rachat). Ce régime a vocation à s’appliquer en cas d’espionnage industriel mais aussi dans des circonstances plus banales comme le détournement d’informations par un ancien dirigeant ou salarié.

Pour bénéficier de la protection, il ne suffit pas que l’information soit secrète ; il faut aussi que l’entreprise prouve qu’elle a mis en place des mesures concrètes de protection. Cela implique d’identifier les informations à protéger puis d’instaurer des mesures de protection appropriées (mise en place de règles de confidentialité internes, restriction d’accès, cryptage, sensibilisation et formation des équipes).

Si ces conditions sont réunies, la loi permet de s’opposer à l’accès, l’utilisation et la divulgation des informations protégées. Elle permet aussi d’interdire la production, la mise sur le marché, l’importation et l’exportation de produits résultant d’une atteinte au secret. Ainsi, il sera possible de sanctionner, par exemple, l’importateur de produits reproduisant un savoir-faire secret même s’il n’a pas participé au détournement dudit savoir-faire. Dans cette hypothèse, il faudra toutefois démontrer que ce tiers connaissait – ou aurait dû connaître – l’origine frauduleuse des informations. Il conviendra donc de lui adresser préalablement une lettre de «mise en connaissance de cause», comme cela est pratiqué en brevet.

Sur ce point, la protection est considérablement améliorée par rapport à celle offerte par le droit actuel.

Si le juge constate une atteinte à un secret, il pourra alors prescrire toutes les mesures nécessaires (interdiction, destruction des produits, etc.), si besoin en référé, et ordonner le versement de dommages et intérêts calculés de la même façon qu’en cas de contrefaçon.

Autre amélioration : des règles procédurales spécifiques rassureront ceux qui craignent que leurs secrets soient révélés au cours de la procédure. En effet, le texte permet le recours aux audiences à huis clos, institue un principe de confidentialité des pièces et ouvre la possibilité d’aménager la publication de la décision.

Cette réforme apporte d’intéressantes nouveautés en droit français ; les entreprises, souvent démunies faces à ce type d’agissements, auraient intérêt à adapter leurs pratiques afin de tirer le meilleur parti de ce nouvel «outil».

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Au sommaire de la lettre


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