La scission partielle fait figure de nébuleuse dans le paysage juridique français.A la différence de la scission, cette forme de restructuration n’est pas, en tant que telle, prévue par le Code de commerce.
Par Christophe Lefaillet, avocat associé en corporate/fusions & acquisitions et en fiscalité (droits d’enregistrement et ISF). Il intervient particulièrement dans les opérations de fusion-acquisition du secteur immobilier. christophe.lefaillet@cms-bfl.com
et Philippe Gosset, avocat en fiscalité. Il intervient tant en matière de fiscalité des transactions et private equity que dans le domaine de la fiscalité des particuliers, actionnaires et dirigeants.
Elle se retrouve en revanche dans le droit communautaire et la neutralité fiscale qu’impose la directive du 19 octobre 20091 est assurée par les règles de droit français.
Cette reconnaissance partielle explique probablement l’usage assez peu fréquent de ce type d’opération dans la vie des affaires. La scission partielle apparaît pourtant être une opération intéressante, pour autant que ses difficultés d’application soient en pratique surmontées.
Une opération juridique d’«apport-attribution»
La notion de scission partielle n’ayant pas été intégrée en droit français, celle-ci est donc réalisée par le recours à deux opérations distinctes :
– un apport partiel d’actifs tout d’abord, soumis ou non au régime juridique des scissions et rémunéré par des titres de la société bénéficiaire de l’apport ;
– suivi ensuite de l’attribution de ces titres aux associés de la société apporteuse.
Cette opération d’«apport-attribution» se distingue donc de la scission dans la mesure où la société apporteuse ne disparaît pas. Ce type d’opération permet ainsi de «scinder» économiquement des sociétés dont la dissolution est en pratique peu envisageable, en raison par exemple de la difficulté à transmettre certains contrats conclus intuitu personæ.
Si l’opération d’apport n’emporte pas de difficultés juridiques spécifiques, l’attribution des titres aux associés de la société apporteuse est en revanche plus problématique. Faute de texte spécifique, la répartition des titres s’analyse comme une distribution d’actifs, qui peut être opérée par voie de réduction de capital ou de distribution de bénéfices.
L’opération de réduction de capital ouvre aux créanciers de la société apporteuse un droit d’opposition de 20 jours, en sus du délai d’opposition de 30 jours qui court dans le cadre de l’apport soumis au régime des scissions, soit un délai d’opposition minimum de 50 jours. Ce délai étant suspensif, il peut constituer un obstacle à la réalisation de l’opération.
Lorsque la répartition est en revanche imputée sur un compte de bénéfices distribuables (réserves, primes), l’opération peut être décidée sous la seule condition de réunir une assemblée générale ordinaire d’actionnaires de la société apporteuse, ce qui présente un avantage pratique non négligeable.
La distribution doit par ailleurs être effectuée proportionnellement à la participation des associés dans le capital de la société apporteuse, ce qui en présence de sociétés cotées peut parfois s’avérer difficile à respecter.
Un régime de neutralité fiscale soumis à agrément
A l’instar des scissions, les opérations d’apport-attribution bénéficient d’un régime de neutralité fiscale. Les plus-values dégagées lors de l’apport sont exonérées et l’attribution des titres aux associés n’est pas considérée comme une distribution de dividende taxable, à condition qu’elle soit effectuée dans un délai d’un an suivant l’apport2.
Ce régime est néanmoins subordonné à la délivrance d’un agrément administratif, qui est accordé de droit lorsque certaines conditions sont remplies : l’apport doit être placé sous le régime fiscal de faveur de l’article 210 A du Code général des impôts, les opérations doivent être justifiées par un motif économique et ne doivent pas être réalisées dans un but de fraude ou d’évasion fiscale.
Dans ses commentaires publiés, l’Administration impose à cet égard que les associés de la société apporteuse conservent, pendant au moins trois ans, à la fois la participation qu’ils détiennent dans cette société et les titres qui leur sont attribués.
Cette contrainte, qui n’est pas prévue par la directive, est à notre avis contestable et l’arrêt Euro Park Service récemment rendu par la Cour de justice de l’Union européenne3 devrait, à cet égard, inciter l’Administration à assouplir sa doctrine.
1. Directive n° 2009/133/CE.
2. Art. 115,2 du Code général des impôts.
3. Sur ce sujet, voir l’article infra «Régime fiscal des fusions : agréments et... désagréments», par Laurent Hepp et Florian Burnat en p. 12.