Le législateur néerlandais semble décidé à faire preuve de la plus grande fermeté à l’égard des sociétés constituées dans un Etat dans le seul but de bénéficier d’avantages fiscaux. Le projet de loi de finances pour 2018 envisage ainsi de renforcer les conditions de substance nécessaires pour bénéficier de l’exonération de retenue à la source sur les dividendes.
Par Herman Boersen, avocat associé en fiscalité de CMS Pays-Bas. Il assiste les entreprises et groupes de sociétés notamment dans le cadre de leurs opérations de fusion-acquisition, de financement et de restructuration. herman.boersen@cms-dsb.com
et Johann Roc’h, avocat associé en fiscalité. Il intervient en matière de private equity dans les opérations de financement et d’acquisition dans un contexte international. Il intervient également en matière de fiscalité des entreprises pour une clientèle de groupes internationaux. johann.roch@cms-bfl.com
Les dividendes sortants versés à des sociétés résidentes d’un Etat membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen sont en principe exonérés de retenue à la source (RAS) aux Pays-Bas. Le projet de loi de finances pour 2018 entend modifier le régime existant à deux égards.
Il est de prime abord envisagé d’élargir le champ d’application de cette exonération afin d’en faire bénéficier les sociétés établies dans un Etat avec lequel les Pays-Bas ont signé une convention fiscale visant à éliminer les doubles impositions et contenant une clause relative aux dividendes.
Par ailleurs, outre l’application de la clause anti-abus générale1, une société non-résidente se verrait ainsi refuser le bénéfice de l’exonération de la retenue à la source si :
– elle détient une participation dans une filiale néerlandaise uniquement ou principalement dans l’objectif de bénéficier de l’exonération de RAS (test subjectif) ;
– la détention revêt un caractère artificiel dès lors qu’elle ne reflète aucune réalité économique ou commerciale (test objectif).
S’agissant du test objectif, le projet de loi de finances pour 2018 précise que la société actionnaire devra satisfaire à certains critères de substance. Outre les critères déjà en vigueur, la société devra également disposer dans son Etat de résidence :
– d’un espace de bureau nécessaire et suffisant à l’exercice d’une activité de holding pendant une période d’au moins 24 mois ; et
– avoir une charge salariale d’au moins 100 000 euros liée à l’exercice de cette activité.
Le législateur néerlandais affirme ainsi une nouvelle fois sa volonté de réserver ces avantages fiscaux aux seules sociétés qui justifient dûment d’une raison économique ou commerciale pour être domiciliées dans un Etat.
La législation néerlandaise contient déjà plusieurs dispositions relatives à la substance.
Ainsi, seules les entreprises résidentes aux Pays-Bas sont en principe susceptibles de solliciter des autorités fiscales un rescrit ou un accord préalable en matière de prix de transfert. Sont considérées comme résidentes aux Pays-Bas toutes les sociétés constituées en vertu de la loi néerlandaise, ainsi que toutes les entités qui ont leur siège de direction effective aux Pays-Bas.
Le législateur néerlandais a cependant estimé que certaines entités ne pouvaient pas obtenir une prise de position de l’administration fiscale en se prévalant uniquement de leur résidence fiscale aux Pays-Bas. Ainsi, les structures intermédiaires dont l’activité consiste principalement ou exclusivement à recevoir et distribuer des intérêts, redevances et loyers pour le compte de sociétés liées, doivent, en sus du critère de résidence, respecter plusieurs conditions tenant à la substance de la société. Ces conditions sont, pour mémoire, relativement variées et tiennent principalement à l’exercice effectif des activités de direction de la société aux Pays-Bas.
En conclusion, si ces diverses mesures témoignent d’un souci de lutter contre l’évasion fiscale, elles permettent néanmoins de préserver le choix du contribuable de s’implanter dans un pays dès lors que la substance de la structure mise en place n’est pas critiquable.
1. Transposition de la directive 2015/121 selon laquelle l’exonération ne s’applique pas aux entreprises qui mettent en place des montages ayant pour principal objectif ou comme l’un de ses objectifs principaux de tirer avantage de cette exonération.