Le Conseil d’Etat a infirmé sa position antérieure et a jugé que l’ensemble des frais généraux supportés par la société Ginger ouvre droit à déduction.
Par Henri Bitar, avocat associé en TVA. Il intervient en matière de conseil et d’assistance dans les secteurs suivants : organismes publics, organismes sans but lucratif, activité industrielle, bancaire et Assurances, TVA dans les échanges internationaux et les activités immobilières.
henri.bitar@cms-bfl.com et Frédéric Bertacchi, avocat en TVA. Il assiste ses clients tant en conseil qu’en contentieux en matière de TVA et de taxe sur les salaires. frederic.bertacchi@cms-bfl.com
Vingt-trois ans plus tôt, la Cour de justice avait jugé que les dividendes et quotes-parts de résultats de filiales constituaient des revenus passifs, simple fruit de la détention de titres (Aff. C-333/91 du 22 juin 1993, «SA Satam»). Plus récemment, la Cour a jugé (Aff. C-16/00 du 27 septembre 2001, «Cibo») que les dépenses supportées dans le cadre de prises de participation dans des filiales dans lesquelles elle s’immisce constituent, pour la société holding qui les supporte, des frais généraux rattachables à son activité économique et ouvrant, à ce titre, intégralement droit à déduction, sous réserve de l’éventuelle application d’un coefficient de taxation («prorata») si la société réalise à la fois des opérations taxables et d’autres exonérées.
L’administration fiscale avait immédiatement tiré les conséquences de cette jurisprudence relative aux opérations en capital, en précisant, dans sa doctrine, que la circonstance que l’entreprise perçoive des recettes non imposables (dividendes, produits financiers non imposables, etc.) n’a aucune incidence pour la détermination du droit à déduction de la taxe.
Mais sa doctrine publiée était restée hésitante sur le sort des dépenses autres que celles supportées pour la réalisation d’opérations en capital, laissant ainsi la place au fil du temps à des redressements, l’Administration considérant que les frais généraux participent à l’activité économique ainsi qu’à une activité de perception de dividendes non taxable pour justifier une limitation du droit à déduction. Cette analyse reposait sur une interprétation extensive de la jurisprudence «Securenta» (CJUE, 13 mars 2008, Aff. C-437/06, «Securenta»). Pourtant, cette affaire concernait des dépenses très particulières, liées à l’émission d’actions et de participations tacites atypiques.
Influencé par cette jurisprudence, le Conseil d’Etat a adhéré à cette thèse restrictive pour juger, le 27 juin 2012, que le droit à déduction de la TVA de la société Ginger grevant ses frais généraux devait être limité en raison de leur contribution à cette activité hors champ.
Jugeant de nouveau l’affaire au fond le 4 juillet 2013, la cour administrative d’appel (CAA) de Paris avait entériné la position de l’Administration en jugeant que la TVA grevant les frais généraux pouvait être déduite à hauteur du rapport existant entre le montant du chiffre d’affaires imposable et le total constitué par ce dernier et les dividendes perçus par la société Ginger. En effet, la CAA de Paris attendait que la société Ginger lui propose une clé de répartition jugée appropriée.
Assistée par notre cabinet, la société Ginger s’est de nouveau pourvue en cassation. Par une nouvelle décision du 20 mai 2016, fondée sur la jurisprudence la plus récente de la Cour de justice (16 juillet 2015, Aff. C-108/14 et C-109/14, «Larentia»), le Conseil d’Etat infirme sa position antérieure et juge que l’ensemble des frais généraux supportés par la société Ginger ouvre droit à déduction. Il relève en effet que, suivant la Cour de justice, les frais liés à la détention de participations dans ses filiales supportées par une société holding qui participe à leur gestion et qui, à ce titre, exerce une activité économique, doivent être regardés comme affectés à l’activité économique de cette société et que la TVA acquittée sur les frais ouvre droit à déduction intégrale. Il précise que ce n’est que dans l’hypothèse où ces frais ont été affectés, pour partie, à d’autres filiales à la gestion desquelles cette société holding ne participait pas, que la TVA acquittée sur ceux-ci ne pourrait être déduite que partiellement.
Cette décision confirme la thèse que notre cabinet a toujours défendue selon laquelle la perception de dividendes d’une société holding ne saurait limiter ses droits à déduction. Nous ne pouvons que nous féliciter de cette décision du Conseil d’Etat.