La loi Travail du 8 août 2016 avait quelque peu facilité les opérations de transfert d’entreprise en apportant – de manière certes limitée – des tempéraments à l’obligation pour le cessionnaire de reprendre l’ensemble des salariés attachés à une activité cédée. Les ordonnances Macron devraient élargir le champ d’application de cette mesure.
Par Pierre Bonneau, avocat associé en droit social pierre.bonneau@cms-bfl.com et Maïté Ollivier, avocat en droit social. maite.ollivier@cms-bfl.com
Un dispositif d’autorisation sous conditions des licenciements économiques avant transfert initialement réservé aux grandes entreprises
Rappelons au plan des principes que le transfert d’une entité économique autonome entraîne de plein droit, en application de l’article L. 1224-1 du Code du travail, le maintien avec le nouvel employeur des contrats de travail qui y sont attachés et prive d’effet, selon une jurisprudence constante, les licenciements pour motif économique qui pourraient être prononcés par le cédant à l’occasion du transfert.
En cas de projet de cession, cette restriction était source de découragement des repreneurs potentiels lorsqu’il n’était pas possible de conserver la totalité des emplois attachés à l’activité.
Pour remédier à cette difficulté, le législateur avait levé, en 2016, sous certaines conditions strictes, l’interdiction de principe imposée au cédant concerné par l’obligation de rechercher un repreneur, de licencier avant le transfert d’établissement.
Etaient ainsi concernées par cette mesure :
– les entreprises d’au moins 1 000 salariés, celles appartenant à un groupe d’au moins 1 000 salariés, ainsi que les entreprises de dimension communautaire ou appartenant à un groupe de dimension communautaire ;
– en cas de projet de fermeture d’un ou de plusieurs établissements, impliquant de devoir mettre en place un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) prévoyant, parmi les mesures de reclassement externe, le transfert d’une ou plusieurs activités.
Pour ces entreprises, le transfert de plein droit des contrats de travail ne s’applique que dans la limite du nombre des emplois qui n’ont pas été supprimés à la suite des licenciements à la date d’effet du transfert. En d’autres termes, l’entreprise cédante peut licencier les salariés non repris sous réserve néanmoins de justifier d’un motif économique et de satisfaire en particulier à son obligation préalable de reclassement.
Une telle dérogation au principe de transfert automatique des contrats de travail dans le cadre d’une cession d’activité apparaissait toutefois limitée au plan opérationnel et l’on pouvait regretter que le législateur n’ait pas choisi d’en élargir le champ d’application à des entreprises de plus petites tailles.
Cette mesure de facilitation des reprises d’entreprise serait étendue aux entreprises d’au moins 50 salariés qui établissent un PSE
En réponse aux critiques soulevées par le périmètre d’application restreint des dispositions légales, le Gouvernement prévoit d’étendre la dérogation au maintien des contrats de travail en cas de transfert d’activité à l’ensemble des entreprises de plus de 50 salariés. Les conditions de mise en œuvre de cette exception seraient identiques à celles prévues dans le cadre de la loi Travail (telles que rappelées ci-dessus).
Ainsi, pour les entreprises de plus de 50 salariés tenues de mettre en place un PSE et dans le cadre duquel une reprise d’activité serait prévue, les règles légales relatives au transfert d’entreprise ne s’opposeraient plus à ce que le cédant procède, sous certaines conditions, à des licenciements pour motif économique avant le transfert.
Si cette mesure pourrait contribuer à faciliter la reprise d’entreprises en difficulté, on peut néanmoins regretter qu’elle demeure subordonnée à la mise en œuvre d’une procédure de «grands licenciements» (i.e. plus de 9) alors que les défaillances d’entreprise suivies de possibilités de reprise concernent souvent des structures employant un faible nombre de salariés.