Depuis le début de l’année 2017, un démarrage record a pu être observé : en mars 2017, les opérations de fusion-acquisition engagées par des acquéreurs français représentaient plus de 49 milliards d’euros soit 2,5 fois plus qu’en 2016 à la même période.
Par Arnaud Hugot, avocat associé en corporate/fusions & acquisitions. Il assiste des industriels, des fonds d’investissement et des managers dans le cadre de tous types d’opérations de fusion-acquisition et de private equity, tant nationales qu’internationales. arnaud.hugot@cms-bfl.com et Maïté Ollivier, avocat en droit social. Elle intervient dans le domaine du conseil et du contentieux en droit du travail et droit de la protection sociale, en particulier sur les opérations de restructuration et la gestion des situations des cadres dirigeants. maite.ollivier@cms-bfl.com
Dans ce contexte, l’élection à l’Elysée d’Emmanuel Macron a indéniablement créé une vague d’optimisme propre à favoriser le maintien d’une activité soutenue dans le secteur. Compte tenu du rôle central de la France au sein de la zone euro, l’attitude europhile du président de la République est de bon augure pour les activités M&A et plusieurs mesures annoncées, en particulier au plan social et fiscal, sont encourageantes pour l’avenir à moyen et long terme.
Parmi les mesures qui auront un impact direct sur les opérations de fusion-acquisition et d’investissement figure le projet annoncé au cours de sa campagne électorale de création d’un fonds de 10 milliards d’euros destiné à financer «l’industrie du futur», dont la gestion devrait être confiée à Bpifrance et qui devrait être alimenté par les dividendes ou la vente de participations minoritaires de l’Etat dans des entreprises.
A cet égard, un flux d’opérations va également être généré par la cession de participations de l’Etat dont Emmanuel Macron, alors qu’il était ministre des Finances, n’a jamais caché qu’il y était favorable lorsque la détention de l’Etat n’était plus justifiée. Le mouvement a d’ailleurs été lancé par la cession de 4,5 % du capital d’Engie il y a quelques jours et d’autres potentielles cessions sont régulièrement évoquées (ADP ou encore des participations dans Orange ou Renault).
Au-delà de ces annonces impactant directement le secteur, un certain nombre de mesures devraient également être propices à l’investissement (notamment l’investissement étranger en France) et, d’une manière générale, favorables au monde l’entreprise.
Au plan social, l’annonce du contenu des ordonnances le 31 août 2017 a déjà été largement commentée. Ces mesures sont issues des concertations entre le Gouvernement, les organisations patronales et les organisations syndicales qui se sont tenues pendant l’été.
Ambitieuse, la nouvelle réforme du travail touche de nombreux sujets tels que la redéfinition du rôle respectifs des accords de branche et d’entreprise, la fusion des instances représentatives ou encore la sécurisation des relations individuelles de travail, et elle cible également les petites et moyennes entreprises (PME).
Parmi les mesures les plus emblématiques et très attendues des entreprises, peuvent être relevés :
- la refonte du motif économique et des obligations de reclassement dont le périmètre géographique d’appréciation est limité au territoire national ;
- la codification des plans de départ volontaire homologués par l’Administration à travers un régime de rupture conventionnelle collective ;
- la facilitation des reprises d’entreprise en difficulté par un élargissement de la dérogation au maintien des contrats de travail en cas de transfert d’entreprise ;
- la fusion des institutions représentatives du personnel au sein du comité social et économique (CSE) ;
- l’élargissement des champs de primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche et des possibilités de conclure des accords en l’absence de syndicats ;
- l’institution d’un barème d’indemnisation prud’homale afin d’anticiper les coûts des contentieux ;
- la réduction générale des délais de prescription en cas de contentieux ;
- la possibilité d’aménagement conventionnel du régime des contrats à durée déterminée et de l’intérim ; et
- la définition par voie conventionnelle du contrat à durée indéterminée pour la durée d’un chantier (CDI de chantier).
Cette réforme se veut également pragmatique en proposant la mise à disposition de formulaires pour les procédures de licenciement et la possibilité pour l’employeur de préciser les motifs de licenciement a posteriori.
Au plan de la représentation du personnel, la fusion des instances représentatives du personnel actuelles au sein du CSE s’imposera dans les entreprises lors du prochain renouvellement des instances et au plus tard le 31 décembre 2019. De plus, sauf accord contraire, le cumul des mandats de représentants du personnel dans le temps sera limité à 3 mandats successifs dans les entreprises de plus de 50 salariés. Cette dernière mesure devrait favoriser le renouvellement des représentants du personnel.
En outre, il est prévu une augmentation du nombre d’expertises cofinancées (80 % pour l’entreprise et 20 % pour le CSE). Ainsi, les frais d’expertise seront intégralement pris en charge par l’employeur à l’occasion de quatre consultations uniquement (situation économique et financière, politique sociale, licenciement collectif pour motif économique, risque grave). Dans les autres cas d’expertises légales (droit d’alerte économique, opération de concentration, offre publique d’achat, etc.), le CSE devra financer l’expert sur son budget de fonctionnement à hauteur de 20 %. Cette mesure tend à rationaliser le recours et les coûts des expertises.
Les ordonnances visent en outre, à travers plusieurs mesures, à adapter la règlementation sociale à la révolution numérique en prévoyant la mise en œuvre d’un Code du travail numérique en 2020 afin de faciliter l’accès aux règles de droits. Le télétravail devra faire l’objet d’un accord collectif ou d’une charte unilatérale et le recours au télétravail occasionnel est simplifié.
Compte tenu du large spectre des mesures prévues dans les ordonnances, une refonte générale du droit du travail est ainsi envisagée et concerne tant le droit collectif que les règles concernant l’embauche et les licenciements.
Les projets d’ordonnances doivent être examinés par le Conseil d’Etat et les instances paritaires consultatives. Le Gouvernement prévoit d’adopter les ordonnances et les textes règlementaires correspondants pour une application au plus tard le 1er janvier 2018.
Ces premiers textes, qui s’inscrivent pleinement dans la logique des dernières lois sociales (loi de sécurisation de l’emploi, loi Rebsamen), ont ainsi pour objectif de faciliter et de sécuriser les relations de travail avec une mise en œuvre rapide.
Pour autant, ces ordonnances ne constituent qu’une première pierre du nouveau socle social que souhaite mettre en place le Gouvernement. Elles seront suivies par les réformes annoncées de l’assurance chômage et du régime de sécurité sociale des travailleurs indépendants, celle de la formation professionnelle et enfin celle de la retraite. En effet, la coordination des évolutions dans ces différents domaines vise une refonte du droit social et du marché du travail en France.
Sur ces prochaines réformes, qui visent à adapter notre modèle social à la révolution numérique et à «sécuriser» les actifs, il faut s’attendre à des actions fortes de la part des organisations syndicales, même si la concertation bilatérale menée cet été semble avoir permis un débat de fond en limitant les prises de positions dogmatiques et les blocages.
En tout état de cause, le succès du nouveau modèle de droit social qui se dessine dépendra évidemment de la compréhension et de sa mise en œuvre effective par les différents intervenants (entreprises, syndicats, salariés, juridictions et administration du travail).