La lettre gestion des groupes internationaux

Mai 2016

Le lanceur d’alerte : vers un statut enfin harmonisé ?

Publié le 27 mai 2016 à 10h01    Mis à jour le 27 mai 2016 à 18h32

Corinne Guyot Chavanon, PwC Société d’Avocats

Face aux scandales et révélations hautement médiatisés de faits et de pratiques illicites, optimisation fiscale illégale et corruption en tête, avec en dernier lieu l’affaire des «Panama Papers», le lanceur d’alerte est au centre de toutes les attentions.

Par Corinne Guyot Chavanon, avocate, PwC Société d’Avocats

Depuis le 1er janvier 2014 la remise du fichier des écritures comptables (FEC) en début de contrôle est une nouvelle obligation qui a désormais atteint son rythme de croisière.

Cette nouvelle obligation a également porté un nouvel éclairage sur le manque de préparation des filiales de groupes internationaux, face aux contraintes imposées par la procédure de contrôle fiscal des comptabilités informatisées (CFCI).

Dans ces deux situations, si l’appartenance de la filiale française à un groupe peut être un atout, notamment en termes de ressources techniques, cette appartenance peut se révéler, pour la filiale en question, source de contraintes ou de risques en termes de conformité aux obligations comptables et fiscales.

Force est de constater que le respect des règles et principes du plan comptable général (ou du plan comptable professionnel applicable) n’a pas été la priorité des départements financiers et comptables lors de la conception des systèmes d’information comptables et financiers.

A cet égard, les entités françaises (y compris celles appartenant à des groupes français) n’ont souvent pas eu d’autre choix que d’utiliser le système comptable informatisé, ses paramétrages et le plan de compte imposés par leur groupe (exemples : PCI, IFRS, US GAAP), au surplus dans un contexte d’externalisation ou de délocalisation des systèmes et/ou des fonctions comptables au sein de centre de services partagés situés à l’étranger.

Or, dans le même temps, les contrôles fiscaux récents révèlent un retour en force de l’analyse critique par les vérificateurs de la comptabilité statutaire au regard des normes comptables françaises («French GAAP») telle que présentée dans les FEC ou à l’occasion de la mise en œuvre de la procédure CFCI.

A défaut d’un véritable double jeu de comptes implémenté dans les systèmes, cette situation de non-conformité de la comptabilité informatisée oblige alors les entreprises à réaliser, dans la pratique notamment des travaux de correction parfois hors système, comme le «remapping» des comptes et de leurs libellés sur des milliers voire des millions d’enregistrements comptables1.

Au-delà de la non-conformité de tels processus à compter des exercices clos en 2015, la manipulation des données nécessite du temps, des ressources et des outils dont ne disposent pas toujours les entreprises, si ces dernières n’ont pas anticipé à temps (bien en amont du contrôle fiscal) la production de leurs FEC.

De plus, l’absence de maîtrise par la filiale de son système comptable peut engendrer des situations de difficulté extrême lorsque la filiale, à l’occasion de la production du FEC ou d’un CFCI, découvre après coup que des changements (exemples : paramétrages, plan de comptes) ont été apportés par le groupe aux systèmes comptables au titre des exercices concernés.

De tels changements s’ils ne sont pas pris en compte par la filiale (ce qui suppose qu’ils soient connus et documentés) peuvent conduire à la production de FEC qui ne cadreront pas avec les éléments comptables et fiscaux déclarés à l’époque. Le même risque existe dans le cadre d’un CFCI.

L’identification par les services vérificateurs des situations de non-conformité comptable qui était restreinte aux cas dans lesquels l’administration mettait en œuvre un CFCI est maintenant facilitée et ouverte aux vérificateurs généraux dans le cadre du FEC, sans avoir besoin de recourir à l’assistance des informaticiens (BVC-istes).

Plus le temps passe et moins les entreprises bénéficieront de la mansuétude des vérificateurs en ce qui concerne la conformité comptable. On peut donc logiquement s’attendre à un accroissement de l’exigence de l’administration fiscale en ce qui concerne la conformité et la qualité comptable des données et par voie de conséquence de la tenue de comptabilité.

Compte tenu du risque de pénalités associées à la remise de FEC non conforme, voire au risque de rejet de la comptabilité, remettre un fichier conforme au regard du format technique ne suffit plus. L’analyse par les vérificateurs des données comptables et de leur conformité au travers du prisme fiscal devenant un des éléments clés du contrôle fiscal.

Il devient urgent que les filiales françaises et leur groupe mesurent les enjeux d’une non-conformité en réalisant un véritable inventaire des écarts de conformité au regard de la réglementation, aux fins de déterminer les solutions techniquement viables et à coûts maîtrisés qui peuvent être envisagées et/ou les pratiques comptables à risque qui doivent être modifiées.

Le bénéfice de telles corrections devrait être double puisqu’en améliorant la conformité des enregistrements comptables, la production de FEC conformes devrait s’en trouver facilitée.

Toute adaptation du système d’information comptable est une démarche de long terme qui doit se conjuguer avec l’effet de latence du contrôle fiscal dont la prescription est au minimum de trois ans. Une mise à niveau des systèmes ne produira donc un effet utile qu’au terme de cette période.

Enfin, si grâce au FEC les entreprises (notamment les départements comptables et fiscaux) ont été sensibilisées à la conformité comptable et aux difficultés liées à l’extraction de données sur le périmètre comptable, les entreprises ne doivent pas ignorer que la conformité comptable n’est pas suffisante au regard des obligations CFCI.

En effet, être en capacité de faire face aux différentes contraintes liées au CFCI implique un travail de documentation des systèmes et des flux ainsi que la conservation des données du système nécessaires à la justification des résultats comptables et fiscaux. La priorité doit être donnée à la documentation et conservation des données des flux jugés critiques au plan fiscal par l’entreprise. Ce travail de longue haleine devra être mis à jour en fonction des évolutions du système d’information et des processus mis en œuvre par l’entreprise.

Sur ce point, les entreprises doivent encore consentir des efforts afin de se mettre au niveau des exigences de la procédure de contrôle fiscal et pouvoir ainsi répondre sans difficulté majeure aux demandes des vérificateurs.

Par ailleurs, les entreprises doivent rapidement prendre conscience que l’intensité du contrôle fiscal est en train de se déplacer désormais vers l’analyse des données informatiques et doivent donc se doter des outils adéquats afin de se mettre au niveau des moyens d’investigation mis en œuvre par les vérificateurs.

Trop souvent, les entreprises ne s’attellent à la tâche qu’après avoir subi un contrôle fiscal «douloureux» du fait d’un manque de préparation.

1. L’administration fiscale à rappeler à plusieurs occasions que la tolérance relative à la «transcodification» des écritures ne respectant pas la nomenclature française cessait et qu’à compter des exercices clos en 2015, ce «transcodage» ne sera plus accepté : la comptabilité devra être tenue conformément aux normes comptables françaises et en langue française.


La lettre gestion des groupes internationaux

Le contexte de digitalisation des contrôles fiscaux révèle des situations de non-conformité comptable et fiscale

Jean Sayag et Yves Tuleau, PwC Société d’Avocats,

L’usage des outils informatiques par les brigades de vérification a fait entrer le contrôle fiscal dans une nouvelle ère numérique, qui devient une contrainte prégnante pour les entreprises.

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