La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (loi Agec) modifie en profondeur le régime de la responsabilité élargie du producteur (REP) dans le but d’accélérer les évolutions souhaitées des modèles de production et de consommation établis.
Parmi les modifications réalisées, des nouveaux acteurs sont pris en compte et des nouvelles filières viennent intégrer le cadre complexe de la REP.
Les nouvelles obligations de l’Agec pour les marketplaces
Depuis l’entrée en vigueur de la loi Agec la notion de producteur a été élargie pour couvrir non seulement les producteurs, au sens strict du terme, les distributeurs et les importateurs, mais d’autres acteurs susceptibles d’intervenir dans les étapes composant le cycle de vie d’un produit. Désormais, sont considérées comme producteurs les personnes physiques ou morales qui élaborent, fabriquent, manipulent, traitent, vendent ou importent des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication.
Jusqu’ici les interfaces électroniques mettant à disposition les moyens nécessaires pour connecter un nombre variable de marques et des vendeurs à des clients potentiels, encore appelées marketplaces, avaient été épargnées des obligations relatives à la REP. Or, dans la lignée de l’élargissement de la notion de producteur, ces acteurs incontournables de l’e-commerce sont désormais embarqués pour atteindre l’objectif commun d’élimination des déchets principalement.
En effet, le nouvel article L. 549-10-9 du code de l’environnement précise que « lorsqu’une personne physique ou morale facilite, par l’utilisation d’une interface électronique telle qu’une place de marché, une plateforme, un portail ou un dispositif similaire, les ventes à distance ou la livraison de produits relevant du principe de responsabilité élargie du producteur pour le compte d’un tiers, cette personne est tenue de pourvoir ou de contribuer à la prévention et à la gestion des déchets qui en proviennent. »
L’objectif est de garantir que les obligations établies en termes de REP sont également respectées dans le cadre du commerce développé via les interfaces électroniques en question. Ces plateformes doivent remplir les obligations en matière de REP, sauf si elles arrivent à justifier que le tiers pour lequel elles facilitent la vente à distance a déjà rempli ces obligations.
Selon le cadre actuel, les marketplaces doivent ainsi :
– soit s’assurer que les tiers vendant des produits via l’interface électronique ont déjà rempli les obligations établies en matière de REP. Elles peuvent le faire au moyen :
• de la détention d’un identifiant unique délivré pour les produits en question, laquelle est réputée valoir conformité du tiers à ses obligations.
Depuis le 1er janvier 2022, un identifiant unique est attribué à tout opérateur économique pour chacune des filières de REP auxquelles il est soumis (EEE, PA, emballages, papiers, mobilier, etc.). Cet identifiant d’enregistrement au sein d’un « registre des producteurs » est créé par l’Agence de la transition écologique (Ademe). Il est ensuite transmis par les éco-organismes à leurs adhérents, lesquels n’ont aucune démarche particulière à entreprendre. Les entreprises étrangères peuvent désigner un mandataire en France afin de se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation. L’identifiant unique doit être mentionné dans les conditions générales de vente ou, lorsqu’il n’en existe pas, dans tout autre document contractuel communiqué à l’acheteur. Par ailleurs, le vendeur d’un produit relevant du principe de la REP doit communiquer à l’acheteur, à la demande de ce dernier, l’identifiant unique sous lequel est enregistré le producteur qui remplit, pour ce produit, les obligations de REP. L’identifiant unique doit également apparaître sur le site internet des différents opérateurs concernés,
• du site de l’Ademe qui permet au consommateur de vérifier la validité des informations transmises par les entreprises (« Syderep »),
• de la tenue d’un registre consignant les informations et justificatifs communiqués par les tiers.
Ce registre doit inclure (i) des informations d’identification du tiers (raison sociale, lieu d’établissement, numéro de TVA entre autres), (ii) le numéro d’identification unique délivré au tiers ou au fabricant des produits qu’il propose à la vente, (iii) les quantités de produits relevant de la REP, classés par catégorie, vendues par le tiers par l’intermédiaire de la marketplace, (iv) le cas échéant, les modalités de reprise des produits usagés mises en place par le tiers,
• et lorsque les produits proposés à la vente sont associés à une obligation de reprise, il est nécessaire de s’assurer que l’information sur les conditions de cette reprise est délivrée à l’acheteur par le tiers proposant les produits à la vente, préalablement à la conclusion de la vente ;
– soit, à défaut de conformité du tiers, supporter les obligations établies par la réglementation en fonction des filières visées, à savoir :
• le paiement de l’éco-contribution éventuellement applicable,
• et la marketplace sera tenue de remplir l’obligation liée à la reprise des produits usagés lorsque le tiers ne la propose pas à ses clients.
La responsabilité qui a ainsi été déléguée à ces acteurs est vaste et complexe. En vertu de la REP, les opérateurs des places de marché et plateformes de vente en ligne sont responsables lorsque les producteurs tiers ne se conforment pas aux exigences REP, ou qu’ils sont la première entité de mise sur le marché pour le produit en question. Cette obligation porte potentiellement sur des filières aussi diverses que les produits vendus et oblige ces plateformes, pour s’assurer d’être en conformité, à mettre en place des systèmes de gestion de l’information complexes pour collecter les justificatifs, vérifier la conformité des tiers et remonter les déclarations aux autorités et aux éco-organismes.
Nouveaux secteurs dans les trois ans qui viennent
En plus des modifications introduites s’agissant des filières existantes, la loi Agec a mis en place 11 nouvelles filières qui devraient entrer en vigueur progressivement et au plus tard en 2025.
2021
La filière des produits du tabac équipés de filtre prévoit la réduction de 40 % du nombre de mégots abandonnés dans l’espace public d’ici cinq ans. L’éco-organisme Alcome a été agréé dès août 2021. Néanmoins, à la suite de différents contentieux engagés par la Fédération des fabricants de cigares contre l’arrêté cahier des charges de la filière, par une décision de juillet 2022, le Conseil d’Etat a annulé l’arrêté portant cahier des charges d’agrément des éco-organismes. Une consultation publique du nouveau projet d’arrêté a été réalisée en septembre et le cadre réglementaire détaillant la filière en question est toujours attendu.
2022
Portant sur les huiles minérales et synthétiques, lubrifiantes et industrielles utilisées pour les moteurs et celles utilisées dans le secteur industriel, la filière lubrifiants, pleinement opérationnelle, a permis le retour de la collecte gratuite des huiles en vue de leur valorisation. Le décret et l’arrêté définissant le périmètre ainsi que le cahier des charges ont été publiés en 2022 et l’éco-organisme Cyclevia a été récemment agréé.
Les nouvelles filières bricolage et jardin (ABJ), sports et loisirs (ASL) et jouets sont en vigueur depuis le début de l’année 2022, les différents éco-organismes ayant été agréés pendant le premier trimestre 2022. Les principaux objectifs poursuivis par ces filières concernent la collecte, le recyclage et le réemploi des articles visés dans les cahiers des charges.
Prévue pour début 2022, la mise en œuvre de la filière portant sur les produits et matériaux de construction du secteur du bâtiment (PMCB) devrait finalement avoir lieu en 2023. Cette nouvelle filière devrait permettre la mise en place d’un maillage minimum des points de collectes et apporter enfin une solution concrète à la problématique des dépôts sauvages. Le processus d’agrément des éco-organismes sur ses filières est encore en cours.
2023
Les acteurs du secteur de la restauration rapide, déjà visés par la filière emballages ménagers pour les emballages vendus à emporter ou livrés, contribueront également dans le cadre de la nouvelle filière emballage de la restauration. Cette dernière vise les emballages consommés ou utilisés par les professionnels ayant une activité de restauration, les emballages relevant de la filière déchets d’emballage ménager étant, bien entendu, exclus. Le décret établissant le périmètre de la filière a fait l’objet d’une consultation publique close le 10 septembre dernier. Un arrêté devrait fixer le cahier des charges et définir la liste des emballages de produits relevant de la filière.
2024 et 2025
Deux filières REP sont prévues début 2024 pour les gommes à mâcher et les textiles sanitaires à usage unique (lingettes, essuie-tout, cotons, couches, etc.). Les filières relatives aux engins de pêche contenant du plastique (2025) et aux emballages industriels et commerciaux devraient voir le jour en 2025. Les décrets et les arrêtés définissant les périmètres ainsi que les cahiers des charges pour ces filières sont encore attendus.
Le système des filières à responsabilité élargie des producteurs se caractérise par son dynamisme. La réglementation est encore en pleine évolution, des nouveautés venant encore préciser ce cadre. Il est ainsi indispensable que les entreprises impactées soient en mesure d’anticiper les contraintes et obligations découlant des nouvelles dispositions afin de garantir la conformité de leurs activités.