En réformant en profondeur le régime applicable aux attributions d’actions gratuites, la loi Macron ouvre un nouveau futur aux actions gratuites, en offrant un outil d’intéressement disposant à la fois de la sécurité et de la souplesse juridique, de l’attractivité fiscale pour leurs bénéficiaires et d’un régime social amélioré pour l’ensemble des parties. Cependant, quelques questions d’application restent en suspens.
Par Bernard Borrely, avocat associé, Georges Morisson-Couderc, avocat associé et Blanche De Labarre, avocat, PwC Société d’Avocats
Des contraintes juridiques réduites
Le nouveau régime réduit les périodes globales d’acquisition et de conservation des titres et permet au bénéficiaire de disposer librement de ses actions au bout d’un délai minimum de deux ans (quatre ans pour les plans antérieurs).
La période d’acquisition minimum est réduite à une période d’un an (deux ans auparavant). La période de conservation est également réduite à un an (lorsque la période d’acquisition est égale à un an). La période de conservation n’est pas obligatoire si la période d’acquisition est fixée à deux ans ou plus. Les nouveaux plans peuvent donc offrir aux bénéficiaires une liberté de gestion et une disponibilité plus rapide des actions, à l’issue d’une période de deux ans, contre quatre ans auparavant.
Un régime fiscal attrayant
Le gain d’acquisition est désormais soumis au régime fiscal des plus-values de cession de valeurs mobilières. Celles-ci étant soumises au barème progressif de l’impôt sur le revenu depuis le 1er janvier 2013, le régime peut sembler similaire à celui des traitements et salaires applicable antérieurement. Il permet cependant de bénéficier des abattements applicables aux plus-values de cessions de valeurs mobilières, dont le taux varie en fonction de la durée de conservation des actions cédées.
Il est à noter que, pour les actions gratuites octroyées à compter du 28 septembre 2012, le taux marginal peut atteindre 64,71 %1.
Pour les actions gratuites octroyées conformément à la loi Macron, le gain d’acquisition, égal à la valeur de l’action au jour de son attribution définitive, peut donc bénéficier d’un abattement, égal à 50 % lorsque les actions sont détenues depuis au moins deux ans et de 65 % lorsque les actions sont détenues depuis au moins huit ans, soit un taux marginal de 62,21 % en l’absence d’abattement, de 39,71 % ou de 32,75 %2, en fonction d’une durée de détention de plus de deux ans ou de plus de huit ans.
La durée de détention des actions doit être calculée à compter de la date d’attribution définitive des actions (à l’issue de la période d’acquisition), que le plan ait prévu ou non une période de conservation obligatoire.
Ainsi, si l’obligation de blocage des actions gratuites ne repose plus sur l’entreprise à l’issue d’une période de deux ans, le salarié bénéficiaire est incité à conserver ses actions gratuites pendant un délai d’au moins deux ans à compter de la date d’acquisition (au bout d’un ou de deux ans en fonction de la durée de la période d’acquisition), pour bénéficier d’un abattement de 50 % et donc d’une fiscalité plus favorable.
N’étant plus soumis au régime des traitements et salaires, le gain d’acquisition n’est plus soumis aux prélèvements sociaux sur les revenus d’activité (taux de 8 %) mais sur les revenus du patrimoine, au taux de 15,5 %. Corrélativement, la contribution salariale spécifique de 10 % est supprimée.
Il est à noter qu’une partie des prélèvements sociaux (5,1 %) est déductible des revenus au titre de l’année du paiement effectif des prélèvements. Par ailleurs, les actions gratuites, à compter de leur acquisition, doivent être prises en compte pour l’ISF, selon le régime qui leur est propre.
Les incertitudes pratiques d’application du régime
Le nouveau régime est applicable aux attributions d’actions gratuites autorisées par des assemblées générales extraordinaires postérieures au 7 août 2015. Il entraîne donc la coexistence de trois régimes fiscaux distincts, applicables en fonction de la date de décision d’attribution des actions ou de la date d’attribution elle-même, selon que les actions ont été attribuées avant le 28 septembre 2012 ou après, et selon que l’attribution a été autorisée à compter du 8 août 2015 ou non.
Outre la vigilance nécessaire du contribuable pour suivre le régime fiscal applicable aux différentes actions en portefeuille, cette coexistence implique donc que soient apportées quelques précisions, notamment sur l’application du régime «Macron» à un certain nombre de situations internationales.
Notamment, pour les plans d’attribution d’actions gratuites de sociétés de droit étranger dont l’autorisation d’émission est donnée par un autre organe délibérant que l’assemblée générale des actionnaires. Bénéficieront-ils du régime fiscal «Macron» en cas de mise en œuvre du plan postérieurement au 7 août 2015 mais par une autorisation donnée par un organe ad hoc antérieurement à cette date ? Une lecture stricte du texte permet d’en douter, et les premiers commentaires informels de l’administration fiscale vont dans ce sens.
Un régime social amélioré
La contribution patronale spécifique, qui était dans le régime antérieur de 30 %, passe à 20 %. Elle est dorénavant exigible dans le mois suivant la date d’acquisition des actions (et non plus dans le mois suivant la décision d’attribution des actions). Cette contribution est assise sur la valeur des actions au moment de leur acquisition. Sous certaines conditions appréciées à la date d’attribution (principalement absence de distribution de dividendes depuis leur création et plafond par salarié, égal au plafond annuel de sécurité sociale, en tenant compte sur l’année en cours et les années précédentes, des actions acquises), les PME en sont exonérées sans pour autant être soumises au forfait social (article L.137-15 du Code de la Sécurité sociale).
La contribution salariale sur le gain d’attribution de 10 % est purement et simplement supprimée.
Enfin, le régime d’exonération des cotisations sociales demeure conditionné à la notification à l’Urssaf de l’identité des bénéficiaires de l’attribution d’actions gratuites.
1. Application de l’impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux, de la contribution salariale spécifique de 10 % et de la contribution sur les hauts revenus de 4 %.
2. Application de l’impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et de la contribution sur les hauts revenus de 4 %.