Nouvel épisode du feuilleton ouvert il y a plus de vingt ans par la jurisprudence de la Cour de cassation au travers de l’arrêt Praslicka.
Par Arnaud Agostini, avocat associé, PwC Société d’Avocats
Rappelons brièvement les faits. Deux époux se marient sous le régime de la communauté légale. Au moyen des fonds de la communauté, l’un des époux souscrit à son nom un contrat d’assurance-vie. A l’occasion de leur divorce et du fait de la titularité de cet époux sur le contrat, il prétend ne pas avoir à en partager la valeur financière avec son conjoint.
Ce dernier obtient finalement satisfaction devant la juridiction suprême qui précise que si le contrat est bien au nom de l’époux, du fait de la souscription du contrat au moyen de deniers de communauté, la finance, en d’autres termes la valeur financière du contrat, fait partie de la communauté, ce qui pratiquement signifie la nécessité pour notre époux récalcitrant d’avoir à verser à son ancienne chère et tendre épouse la moitié de la valeur capitalisée du contrat lors de la dissolution de la communauté.
Au-delà de son aspect de droit civil fort important, l’arrêt Praslicka a tout de suite suscité une difficulté fiscale. En effet, l’administration, tirant les conséquences de cette jurisprudence, a précisé que lorsqu’à l’occasion d’un décès c’était l’époux autre que le souscripteur assuré qui disparaissait le premier, la communauté devait comprendre à son actif la valeur financière du contrat, ce qui revenait à décider que selon l’ordre des décès il y avait ou non imposition.
Face à cette difficulté jusqu’alors méconnue puisque le droit des assurances constituait en quelque sorte un no man’s land au sein duquel le droit civil et, plus particulièrement, le droit de la famille n’étaient pas bienvenus, l’administration fiscale, sollicitée par le lobby des assureurs, a décidé de neutraliser sur le plan fiscal les conséquences civiles de l’arrêt Praslicka en prévoyant la non-taxation possible lors du décès du conjoint non souscripteur, à la condition cependant que les héritiers décident de ne pas faire figurer dans l’actif de la communauté la valeur du contrat.
Cette position montre bien, au demeurant, la distorsion ainsi créée entre le droit civil et le droit fiscal, obligeant en quelque sorte les héritiers à faire une déclaration de communauté tronquée pour bénéficier d’une exonération fiscale. Sur ce, la loi fiscale a évolué puisqu’en 2007 la loi Tepa a exonéré de droits de succession le conjoint survivant ou le copacsé.
Tirant quelque temps plus tard les conséquences de cette nouvelle législation, l’administration fiscale, au travers d’une doctrine issue en particulier de la réponse ministérielle Bacquet, a décidé de rapporter la mesure de tolérance rappelée auparavant au motif que désormais le conjoint survivant était exonéré de droits de succession.
Malheureusement, cette position n’était pas totalement satisfaisante pour les contribuables puisque si le raisonnement était vrai pour le conjoint survivant dorénavant exonéré de droits de succession, il n’en était pas de même pour les autres héritiers (enfants) qui, au travers notamment et fréquemment d’une nue-propriété recueillie, étaient taxables.
Cette solution a bien entendu été critiquée par les usagers, par les praticiens et, bien sûr, par le lobby des assurances. C’est dans ce contexte qu’il y a quelques semaines à peine le ministre des Finances, Michel Sapin, a annoncé l’abrogation de la doctrine issue de la réponse ministérielle Bacquet, revenant ainsi à la tolérance que l’administration avait mise en place avant la promulgation de la loi Tepa, à la suite de la jurisprudence Praslicka de la Cour de cassation.
Si l’on ne peut, sur le plan fiscal, que se féliciter du retour de la tolérance, il serait cependant judicieux, afin d’éviter les distorsions entre le droit civil de la famille et le droit fiscal, que la difficulté soit réglée de manière différente et, plus précisément, sur le plan législatif, afin qu’une solution cohérente puisse être trouvée dans cette situation.