Les différentes initiatives en matière de transmission automatique d’informations sont au cœur de l’actualité fiscale. Un bref rappel de ce qui a été fait au niveau international et en droit interne est nécessaire, afin de pouvoir envisager les nouveautés intervenues au cours de l’année écoulée.
Par Georges Morisson-Couderc, avocat associé et Philippine Parini, PwC Société d’Avocats
L’évasion fiscale, ennemi public numéro un
L’accord Fatca (Foreign Account Tax Compliance Act), initié par les Etats-Unis et dont les modalités d’application ont été détaillées par le décret du 23 juillet 2015, fut une première étape décisive en matière de coopération administrative internationale.
Parallèlement au mouvement initié par les Etats-Unis, l’OCDE a élaboré et présenté lors du Forum mondial sur la transparence et l’échange d’informations de Berlin le 29 octobre 2014 une norme commune de déclaration, la Common Reporting Standard, dite «CRS», visant à lutter contre l’évasion fiscale.
La France, qui s’était engagée à mettre en œuvre cette norme commune dès 2017, a approuvé l’accord multilatéral sur l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en décembre dernier.
Enfin, la directive européenne 2011/16/UE du 15 février 2011 sur la coopération administrative, amendée le 9 décembre 2014, a mis en conformité le droit de l’Union européenne avec les nouvelles normes OCDE.
Le droit interne français n’est pas en reste. L’article 1649 AC du Code général des impôts dans sa rédaction antérieure oblige les institutions financières françaises à mentionner sur un formulaire spécifique les informations nécessaires à l’application des conventions bilatérales conclues par la France prévoyant un échange automatique d’informations.
La loi de finances rectificative pour 2015 du 29 décembre 2015 a modifié les dispositions de cet article pour permettre une extension des obligations incombant aux institutions financières en matière d’échange automatique d’informations, ainsi qu’une mise en conformité avec le droit de l’Union et les normes OCDE.
Les organismes financiers doivent donc, à compter du 31 décembre 2015, transmettre à l’administration fiscale les informations telles que l’identification de la personne faisant l’objet d’une déclaration ainsi que de sa résidence fiscale, le numéro de compte, le numéro d’identification fiscale de l’ensemble des titulaires de comptes et des personnes les contrôlant, le solde du compte, le montant des intérêts versés ou crédités sur ce compte, le montant des dividendes et autres revenus produits par les avoirs détenus sur le compte.
Les différents mécanismes de transmission automatique d’informations précédemment évoqués ont un champ très étendu en ce qu’ils visent toutes les personnes physiques titulaires d’un compte ouvert dans les livres d’un établissement financier basé dans un Etat dont elles ne sont pas résidentes fiscales, que ces dernières détiennent le compte en direct ou via une structure interposée (trust, fiducie, fondation…).
La Suisse, bastion du secret bancaire, rentre dans le rang
Illustration notable de cette nouvelle norme mondiale, l’Union européenne et la Suisse ont signé, le 27 mai 2015, un accord prévoyant un échange automatique d’informations sur les comptes et actifs financiers de leurs résidents, mettant ainsi fin au secret bancaire suisse pour les résidents de l’Union à compter de l’année 2018.
De plus, la commission des Finances réunie le 10 février 2016 a examiné le rapport de M. Eric Doligé sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord du 25 juin 2014 entre la France et la Suisse visant à modifier le protocole additionnel à la convention bilatérale franco-suisse du 9 septembre 1966. Cet accord contient trois grandes évolutions en matière d’échanges de renseignements fiscaux sur demande, dont l’assouplissement des conditions d’identification des contribuables et l’autorisation des demandes groupées. Une clause de portée générale y a également été insérée afin de prévenir toute interprétation restrictive pour l’avenir.
Gérer le passé pour prévenir le futur
La perspective d’un échange automatique d’informations semble en tout état de cause avoir été prise en compte par les contribuables français. En effet, outre la possibilité de pouvoir bénéficier des pénalités et amendes minorées prévues par la circulaire du 21 juin 2013 applicables aux contribuables qui régularisent spontanément leur situation fiscale, le poids de l’évolution internationale liée à la disparition du secret bancaire ne doit pas être négligé. Le nombre de régularisations spontanées d’avoirs détenus à l’étranger notamment auprès d’établissements bancaires suisses ou luxembourgeois a connu un accroissement significatif, permettant de recouvrer au 15 septembre 2015 près de 2 milliards d’euros.
L’échange automatique d’informations n’est plus une utopie mais une réalité contraignante.