La lettre gestion du patrimoine

Mai 2015

La holding animatrice : un sésame fiscal encore capricieux

Publié le 22 mai 2015 à 14h38

Georges Morisson-Couderc et Nathalie Delmarès, PwC Société d'Avocats

Conscient du rôle moteur des entreprises familiales dans l’économie, le législateur ne cesse de créer, depuis quelques années, des dispositifs destinés à favoriser leur création, leur détention et leur transmission.

Par Georges Morisson-Couderc, avocat associé et Nathalie Delmarès, avocat, PwC Société d’Avocats

On peut citer à cet égard l’exonération des biens professionnels et l’exonération des titres détenus par les salariés et mandataires sociaux en matière d’ISF, l’abattement de 75 % sur les transmissions à titre gratuit de titres de société ayant fait l’objet d’un engagement de conservation (pactes «Dutreil») ou encore la réduction d’impôt Madelin et l’abattement renforcé en matière de plus-values mobilières en matière d’impôt sur le revenu. Ces dispositifs, s’ils visent à rendre plus acceptable la fiscalité applicable aux associés, et donc à garantir la pérennité des entreprises familiales, ont été initialement conçus pour des structures unitaires ayant une activité opérationnelle. Or, du fait de la complexification du monde des affaires, il est de plus en plus fréquent de rencontrer une organisation non plus unitaire, mais des groupes de sociétés à la tête desquels se trouve une holding détenant des participations dans ses filiales.

Afin de ne pas léser les associés de ces holdings, il est apparu essentiel que l’administration fiscale reconnaisse aux sociétés holdings dites «animatrices de leur groupe» la possibilité de bénéficier de la quasi-totalité des régimes de faveur spécifiques aux entreprises opérationnelles, mais par le biais d’une simple tolérance administrative toutefois, faisant ainsi peser la charge de la preuve de l’animation sur le contribuable.

L’enjeu est de taille, dans la mesure où une déqualification a posteriori du statut de holding animatrice est de nature à remettre en cause tous les avantages fiscaux dont ont pu bénéficier les associés en termes d’ISF, de droits de mutation et d’impôt sur le revenu, sans qu’il soit toujours possible d’invoquer à titre subsidiaire l’application du régime de faveur par transparence, au travers de la société interposée.

Or, si la holding animatrice rencontre aujourd’hui de façon sporadique une définition légale1, elle demeure avant tout une notion administrative. Il en résulte une notion dont les contours ne sont pas par essence immuables, soumis aux aléas de l’évolution, sans débat ni contrôle, de la doctrine administrative, et qui plonge nombre de groupes familiaux dans l’insécurité juridique la plus totale.

Ainsi, selon l’administration fiscale, les holdings animatrices sont celles qui, outre la gestion d’un portefeuille de participations, «participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle des filiales, et rendent le cas échéant et à titre purement interne au groupe des services spécifiques administratifs, juridiques, comptables, financiers ou immobiliers2».

L’imprécision des trois critères de groupe, de contrôle et d’animation effective sur lesquels se fonde cette définition a naturellement alimenté les redressements, notamment sur le terrain de la preuve de l’animation, amenant ainsi la Cour de cassation à en préciser les contours par touches successives, au gré des affaires dont elle a été saisie depuis une vingtaine d’années. Ainsi, au regard de sa récente jurisprudence3, la mise en place d’une convention d’animation reste le moyen de preuve le plus efficace de l’animation du groupe. En effet, il apparaît que l’existence d’une convention écrite d’animation prévoyant que la holding définit seule et exclusivement la politique du groupe qui est imposée aux filiales soit un élément primordial. Toutefois, il appartiendra aux associés d’apporter la preuve de son effectivité, sa signature ne pouvant justifier à elle seule de l’animation. En pratique, il conviendra de corroborer la preuve de sa matérialité par des procès-verbaux de conseils, les rapports des commissaires aux comptes, un comité de direction composé des dirigeants des filiales4.

Si traditionnellement le contentieux en la matière se concentrait essentiellement autour de la preuve de l’animation effective, il ressort de la multiplication des redressements ces dernières années que l’approche de l’administration fiscale s’est considérablement durcie en la matière. Elle a ainsi ajouté, par l’évolution récente de sa doctrine, de nouvelles conditions, telles que l’obligation pour la holding d’animer la totalité de ses participations. Le simple fait de ne pas animer une seule participation, si minime soit-elle, interdirait donc, selon l’administration, de considérer la holding comme animatrice de son groupe.

Le tribunal de grande instance de Paris vient cependant de contredire cette doctrine en jugeant récemment5, en matière d’exonération d’ISF au titre des biens professionnels, que le seul fait, pour une société dont l’activité principale est l’animation effective de l’ensemble de ses filiales sous contrôle effectif, de posséder également une participation minoritaire dans une société dont elle n’assure pas l’animation n’est pas de nature à remettre en cause sa qualité de holding animatrice. Cette décision, dont il est encore malaisé d’apprécier la portée, pourrait toutefois, si elle était confirmée, recentrer la notion sur ses critères d’origine, appréciables des contribuables.

Dans ce contexte, et suite à l’ajournement l’an dernier de la publication du projet de Bofip sur la notion de holding animatrice, on peut se demander qui de l’administration ou du législateur s’attellera en premier à l’élaboration d’une définition générale de la notion, seule capable de sécuriser les choix des entrepreneurs en matière d’organisation.

1. articles 199 terdecies-0 A du CGI (réduction IR dite « Madelin ») et 885-0 V bis du CGI (réduction ISF-PME)

2. BOI-PAT-ISF-30-30-40-10 n°140

3. Cass. com., 10 décembre 2013, n° 12-23.720, F-P+B, M.Mulliez : JurisData n°2013-028686

4. CA Paris, 1er ch 7 juillet 2006, n° 05-12.395, M. Elias : JurisData n°2006-314394


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