En multipliant les mesures d’une ampleur inédite, les Etats et les banques centrales cherchent à tout prix à limiter l’impact économique de la crise sanitaire sur les ménages et les entreprises. Mais des politiques structurelles vont être nécessaires pour remettre l’économie européenne sur les rails. Leur financement nécessitera d’aller au-delà des dispositions prises jeudi dernier par l’Eurogroupe, prévient Patrick Artus.
Les mesures sans précédent prises ces dernières semaines par les Etats et les banques centrales montrent-elles que des leçons ont été tirées des crises précédentes, et notamment celle de 2008 ?
Il faut bien comprendre d’abord que la crise actuelle est d’une nature totalement différente de celles qui l’ont précédée. Jusqu’alors, les grandes crises se caractérisaient par un effondrement de la demande, qui pouvait résulter de la chute des cours boursiers (avec un impact sur l’effet de richesse) comme en 2000-2001, ou de l’arrêt des prêts bancaires comme en 2008-2009. Cette fois, il s’agit d’un arrêt de l’offre : les salariés ne pouvant pas aller travailler, la production s’effondre. La demande chute également, puisque les personnes confinées consomment moins, mais cette baisse est moins forte que celle de la production. L’Insee a ainsi évalué à 35 % la perte d’activité liée au confinement durant la dernière semaine de mars, par rapport à une situation «normale» ; c’est du jamais vu.
Si cette crise est très violente, on peut espérer cependant qu’elle ne sera pas très longue. Ce qu’on a appris du passé, c’est qu’en ce cas, il faut tout faire pour qu’elle ne se transforme pas en une crise durable et permanente. Pour cela, il faut identifier tous les facteurs qui risqueraient de favoriser ce phénomène. Les banques centrales et les gouvernements, notamment en Europe, ont à ce titre plutôt bien réagi.
Quels sont ces risques de basculement ?
Le premier concerne les faillites, car la perte d’emplois et d’actifs est alors irréversible. On voit que tous les Etats s’emploient à les endiguer, aussi bien en Europe qu’aux Etats-Unis, avec selon les cas des baisses d’impôt, des subventions, un report des charges, l’accès...