La BCE estime que les deux tiers de l’inflation en zone euro, en 2022, sont liés à la hausse des marges des entreprises qui ont, contre toute attente, fortement progressé l’année dernière. La situation diverge toutefois selon les économies, et les secteurs. Surtout, un mouvement inverse se dessine : sous l’effet de la baisse des prix des matières premières, du ralentissement de l’économie, et de la hausse des salaires, les marges pourraient refluer au cours des mois à venir.
La cause semblait entendue, quand la guerre en Ukraine a éclaté : face à une inflation en forte hausse, sous l’effet de l’envolée des prix de l’énergie, et à une contraction des économies, les entreprises risquaient de voir leurs comptes se détériorer rapidement. Les marges s’annonçaient en chute libre. Or, c’est un tout autre scénario qui s’est joué en 2022. A rebours de toutes les prévisions initiales, la plupart des grands groupes européens ont publié des résultats en nette hausse tout au long de l’année dernière, contribuant à la hausse de la Bourse. Une évolution favorable, mais qui aurait été réservée à quelques étoiles de la cote, dotées d’une forte capacité à imposer leurs prix ? Il n’en est rien, à entendre les économistes de la BCE.
Ces derniers ont jeté un pavé dans la mare, il y a un mois, en publiant une étude affirmant que l’inflation en zone euro, qui atteignait encore 7 % au mois d’avril, serait principalement alimentée par la hausse des profits, réalisés par l’ensemble des entreprises. Il ne s’agit donc pas d’une analyse portant sur quelques entreprises championnes du CAC 40 ou de l’Euro Stoxx 50, mais d’un point de vue macroéconomique, qui englobe l’ensemble des entreprises de la zone euro. « Si nous comparons sur longue période la contribution relative des profits unitaires (les marges) et des salaires à la hausse des prix, nous constatons aujourd’hui une pression exceptionnelle des profits sur l’inflation, affirment ces économistes de la BCE. Si, sur l’ensemble de la période 1999-2022, les profits ont contribué en moyenne à environ un tiers de la hausse du prix du PIB, cette contribution a atteint les deux tiers en 2022. »