Le retrait très controversé des troupes américaines d’Afghanistan suscite des inquiétudes quant à la stabilité de la région et au nouveau rapport de forces qu’il pourrait entraîner entre les Etats-Unis et la Chine. Pour Michel Foucher, géographe et ancien ambassadeur, il ne témoigne aucunement d’un éventuel affaiblissement des Etats-Unis. Il illustre en revanche la nouvelle politique étrangère définie par Joe Biden, qui vise notamment à privilégier les intérêts de la classe moyenne américaine.
Le retrait des forces américaines d’Afghanistan, bien qu’il ait été annoncé de longue date, a suscité une onde de choc internationale. Ouvre-t-il une ère d’instabilité dans la région ? Quels sont les enjeux internationaux de cet événement ?
Beaucoup de pays sont concernés par l’évolution de l’Afghanistan, qui se situe à un carrefour de régions. Mais c’est précisément la raison pour laquelle je ne crois pas à une déstabilisation durable. L’Afghanistan est en effet au cœur de trois ensembles géopolitiques distincts. L’Asie du Sud d’abord : le Pakistan est depuis sa création en 1947 l’acteur principal des jeux politiques afghans. Il s’agit d’empêcher la formation d’un grand Pachtounistan dès lors que le vaste groupe ethnique pachtoune (le quart des Pakistanais, la moitié des Afghans) se situe des deux côtés d’une frontière – la ligne Durand – jamais reconnue par Kaboul. Les talibans, il faut le rappeler, sont exclusivement des Pachtouns. Le degré de stabilité dépendra de la capacité du nouveau régime afghan à coopérer avec le Pakistan, lui-même menacé par les actions terroristes des talibans pakistanais.
L’Asie centrale ensuite, avec des liens ethniques entre le nord du pays et l’Ouzbékistan et le Tadjikistan voisins. La Russie veille et a disposé des troupes au nord de l’Amou-Daria.
Le Moyen-Orient enfin, où l’Iran n’a de cesse de voir s’éloigner les troupes américaines (Irak, Golfe) ; il se réjouit à ce titre de la mise en œuvre de l’accord de retrait. La fin de la guerre afghane et le départ des Occidentaux peuvent donc déboucher sur une situation plus stable de la région, dans la mesure où ce sont désormais les puissances régionales voisines (Russie, Iran, Chine, Pakistan) qui mènent le jeu, et qu’elles ont les mêmes préoccupations de sécurité que les Américains et les Européens.