Entretien avec Karim Carmoun, président de Robeco France - "Une stratégie crédible de transition doit impliquer un engagement actif sur les questions de changement climatique et l’utilisation d’analyses climatiques prospectives pour améliorer les décisions d’investissement."
Sommes-nous à la hauteur de nos ambitions en matière de climat ?
Nous sommes encore loin de l’objectif net zéro. Les mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique continuent de s’affiner, mais le chemin de la décarbonation n’est pas linéaire. Et nous avons besoin de tous les outils à notre disposition : ESG, ODD, science du climat, engagement, exclusions, etc. Nous devons collaborer, avancer dans la recherche, les données prospectives et partager ces données. Ce qui est important, c’est que nous voyons l’engagement des différentes parties prenantes se renforcer. Les investisseurs, avec lesquels nous échangeons, évoluent à des rythmes différents. Certains clients sont très avancés et nous mettent au défi avec des questions très approfondies. D’autres sont beaucoup plus en retard. Il y a donc une différence très nette dans la manière dont les clients agissent. Sans oublier les assureurs qui voient leur modèle économique tout particulièrement affecté par le changement climatique. C’est pourquoi il est essentiel de pouvoir adapter et décliner nos solutions pour répondre aux besoins des investisseurs en lien avec les objectifs climat.
Pouvez-vous nous donner un exemple de solution dédiée ?
A titre d’exemple, nous avons récemment lancé une solution multi-actif personnalisée pour un assureur britannique. Cette gestion est intéressante car elle vise non seulement à atténuer les risques liés au climat, mais aussi à positionner l’assureur de manière qu’il puisse saisir les opportunités de croissance associées à la transition vers une économie net zéro. Cette stratégie sur mesure permet à notre client d’exploiter le potentiel des technologies propres et vertes. Et elle contribue activement à la transition par le biais d’une gestion active et d’un engagement auprès des entreprises dans lesquelles les investissements sont réalisés.
L’exclusion est-elle une solution idoine ?
L’exclusion de certains secteurs est une approche parmi d’autres stratégies visant à réaliser une transition net zéro. Cependant, nous pensons que les investisseurs ne devraient pas se limiter à l’exclusion de certains secteurs. Au contraire, une stratégie crédible de transition doit impliquer un engagement actif sur les questions de changement climatique et l’utilisation d’analyses climatiques prospectives pour améliorer les décisions d’investissement. Cette démarche est cruciale, car le paysage futur pourrait être très différent du passé. Pour naviguer efficacement dans cette évolution, il est impératif de comprendre comment les entreprises et les pays s’y préparent.
Concrètement, quelles sont les étapes indispensables ?
Pour lutter efficacement contre la crise climatique, il est nécessaire de suivre les progrès accomplis, de savoir si les mesures sont efficaces et de mettre en évidence la nécessité pour les régulateurs d’intensifier leurs interventions. Il nous semble essentiel d’aborder le changement climatique sous plusieurs angles : d’une part, en évaluant l’impact financier, c’est-à-dire les coûts associés aux efforts de décarbonation d’une entreprise pour ses opérations et sa chaîne d’approvisionnement. De même qu’identifier les entreprises qui bénéficieront de la transition vers des solutions bas carbone. D’autre part, en examinant les contributions actuelles d’une entreprise au changement climatique et en évaluant si l’entreprise travaille activement à des solutions pour lutter contre le changement climatique.
Comment accompagnez-vous les assureurs sur cette voie ?
En combinant nos expertises en matière d’ODD, de climat, de biodiversité et en nous appuyant sur notre recherche durable, Robeco est bien positionné pour répondre aux besoins des assureurs et les aider à avancer dans la transition énergétique. Parmi les premiers gérants à lancer une gamme obligataire axée sur les objectifs de l’Accord de Paris, nous nous appuyons sur nos outils propriétaires tels que notre cadre ODD appliqué aux entreprises depuis 2017 et plus récemment aux pays ; ou encore notre méthodologie pionnière de trajectoire de décarbonation sectorielle (TDS). Mais l’intégration d’éléments prédictifs dans ces méthodologies – par exemple dans les outils qui évaluent le degré d’alignement des entreprises sur les objectifs climatiques mondiaux – s’avère être un véritable défi. Un défi auquel nous tentons de répondre en avançant dans notre recherche et au travers d’une collaboration active.
