Le marché actions japonais, jugé parfois peu attractif, pourrait susciter à nouveau l’intérêt des investisseurs à la faveur d’un nouvel environnement économique pour l’Archipel. Ce dernier connaît en effet depuis plusieurs mois des changements importants sous l’influence du retour de l’inflation après des décennies d’absence, mais aussi de l’évolution de la gouvernance des entreprises.
Ces derniers mois, l’inflation a fait un retour remarqué au Japon : alors qu’elle avait disparu des écrans radars du pays depuis des décennies, elle a atteint 3,7 % en novembre, un record depuis 1991. Certes, le chiffre est bien éloigné des données américaines et européennes en la matière. Mais, pour une économie en proie à la déflation depuis vingt ans, cela signifie l’entrée dans une nouvelle ère, comme pourraient d’ailleurs venir le confirmer les premières décisions du nouveau gouverneur de la Banque du Japon (BoJ), qui prendra ses fonctions début avril…
En attendant, les investisseurs sont une nouvelle fois plongés dans l’expectative face à un marché boursier délaissé, dont il est régulièrement annoncé le réveil à la faveur de l’évolution des politiques économiques, mais qui se révèle toujours finalement décevant. En cinq ans, le MSCI Japon n’a crû que de 11 % au lieu de 62 % pour l’indice mondial. Et sur dix ans, les meilleurs fonds consacrés à ce marché n’affichent que + 12 %…
Actions : cap sur la consommation intérieure
- Alors que, pour la première fois en quarante ans, l’inflation fait son retour au Japon, la plupart des asset managers privilégient aujourd’hui les secteurs qui pourraient profiter d’un rebond de la consommation intérieure avec la hausse attendue des salaires. « Cette dernière pourrait enfin contribuer à libérer le potentiel des ménages japonais, dont la consommation représente plus de la moitié du PIB de l’Archipel, espèrent ainsi les gérants de Pictet AM. L’épargne des ménages nippons est au plus haut depuis au moins vingt-deux ans, avec 76 700 JPY par travailleur et par mois. »
- Outre le stimulus des salaires, toutes les entreprises orientées vers la demande intérieure devraient profiter du changement de dynamique du yen, qui paraît avoir atteint un point bas. « En novembre 2022, nous avons réorienté notre allocation en faveur des valeurs de petite et moyenne capitalisation, précise Stéphane Monier, directeur des investissements chez Lombard Odier. Ces dernières peuvent tirer parti de l’embellie du tourisme et d’un yen plus fort permettant de réduire le coût des importations. Nous privilégions en particulier les banques régionales, l’immobilier, les transports, les loisirs, la consommation discrétionnaire et les fournisseurs de services Internet. »
- Certains thèmes classiques ont également toujours la cote. « Le marché japonais regorge de valeurs technologiques et n’a, de ce fait, rien à envier au marché américain, rappelle Jean-François Chambon, gérant d’actions japonaises chez OFI Invest Asset Management. Les fournisseurs de composants électroniques et de logiciels de robotique sont particulièrement intéressants. »
- Par ailleurs, en pleine révolution sur les questions de gouvernance, le Japon n’est pas en retard en ce qui concerne le E de l’ESG. « En l’absence de ressources naturelles, les entreprises japonaises placent depuis longtemps l’efficacité énergétique au cœur de leur gestion », rappelle Guy de Tonquedec, gérant d’actions japonaises chez Lazard Frères Gestion.
Une relance par les salaires
Pour l’heure, les économistes se perdent en conjectures sur la pérennité du phénomène inflationniste et la réponse qui y sera apportée par les autorités monétaires. Depuis dix ans, le Japon a en effet adopté une politique ultra-accommodante censée, au même titre que d’autres stimuli regroupés sous le nom d’Abenomics, redonner tout son lustre à l’économie du pays. Ces mesures d’ordre monétaire, budgétaire et microéconomique devaient faire sortir le pays de la stagflation. Mais l’héritage du Premier ministre Shinzo Abe est contrasté.