Avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’approche ESG est mise à rude épreuve. Les révélations sur des atteintes aux droits humains ou l’impuissance de l’Europe à faire face à ses engagements climatiques font vaciller les références des fonds les mieux installés. Une crise existentielle qui pourrait toutefois être l’occasion pour l’investissement responsable de se recentrer sur ses fondamentaux.
La guerre en Ukraine suscite des débats, parfois très déconcertants. Le 27 février dernier, l’Union européenne annonçait son intention de financer directement des livraisons d’armes à l’Ukraine. Le lendemain, les investisseurs se ruaient sur les actions de Dassault Aviation et de Thales. Le gouvernement letton a alors invité ses voisins européens à considérer ces valeurs comme des investissements conformes aux critères ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance), recueillant les voix de gérants et d’analystes… et suscitant en même temps l’indignation des ONG.
Ce n’est pas le premier coup de boutoir que subit l’approche ESG en cette année 2022. Depuis six mois, la finance dite « responsable » semble ne plus savoir où elle habite. Les repères patiemment échafaudés par les spécialistes européens ne fonctionnent plus. En France, le scandale Orpea a d’abord jeté le doute sur une valeur star des fonds ISR (investissement socialement responsable), et par ricochet sur la fiabilité des labels et notations extra-financières des agences spécialisées. Les événements géopolitiques d’une gravité inédite ont à leur tour ébranlé les piliers de la finance durable. Face à l’agression de l’Ukraine par la Russie, l’Europe a décidé quelques semaines plus tard de s’affranchir du gaz russe, qui devait l’aider à effectuer sa transition énergétique. Elle a déroulé ensuite le tapis rouge au gaz de schiste américain, beaucoup plus néfaste pour le climat. Puis les menaces de « terreur nucléaire »...