Si les actions européennes souffrent des incertitudes politiques, à la fois internes et internationales, les marchés obligataires sont au mieux, avec des investisseurs d’autant plus présents qu’ils s’attendent à de nouvelles baisses des taux de la part de la BCE – la baisse annoncée le 12 décembre pourrait même atteindre 50 points de base –, et donc à des rendements à venir moins intéressants.
« La perspective d’une baisse des taux directeurs, notamment en Europe, alimente le flux de demande de la part des investisseurs et contribue à la forte animation du marché avant la coupure de décembre », souligne Blaise Bourdy, responsable origination DCM pour les entreprises France, Belgique, Luxembourg chez Société Générale CIB.
A Paris, deux émissions inaugurales de taille viennent notamment d’animer le marché, celle de la Française des Jeux et celle de Roquette, pour, respectivement, 1,5 milliard et 1,2 milliard d’euros. La FDJ a émis en trois tranches équivalentes, de 500 millions d’euros, à 6, 9 et 12 ans, avec des coupons de 3 %, 3,375 % et 3,625 %. Un échelonnement dicté par ses capacités de remboursement de cette première émission, justifiée par le poids de l’acquisition récente de l’opérateur des jeux irlandais Kindred. « La FDJ avait déjà réalisé des acquisitions, mais de petite taille, qu’elle pouvait d’autant plus financer qu’elle se trouvait en situation de dette négative, souligne Blaise Bourdy, cocoordinateur global de l’opération et cosouscripteur du prêt relais d’acquisition de Kindred. Celle de Kindred est beaucoup plus importante (2,6 milliards d’euros), et nécessite donc l’appel à de nouvelles sources de financement, d’où cette émission obligataire inaugurale. »
La FDJ se félicite d’avoir fait appel pour la première fois au marché obligataire, au vu de la réussite de l’opération. « L’introduction en Bourse de la Française des Jeux avait été un grand succès, cela a été le cas, aussi, pour sa première émission obligataire, sursouscrite près de cinq fois, en dépit d’un contexte international de marché perturbé et malgré l’absence de certains investisseurs, non autorisés à investir dans les jeux », relève Blaise Bourdy.
L’originalité de cette émission tient au fait que la FDJ est financièrement… originale, car les entreprises comparables n’ont pas sa solidité financière. « La principale difficulté, concernant cette émission, a été de trouver des comparables, notés investment grade : la plupart des entreprises spécialisées dans les jeux ne le sont pas, note Blaise Bourdy. Nous avons donc présenté à titre de comparaison des entreprises du secteur des loisirs, des services, des médias, de la Tech et même des concessions en France dans la mesure où FDJ dispose de droits exclusifs de l’Etat pendant encore vingt ans. »
L’émission inaugurale de Roquette, spécialiste des ingrédients d'origine végétale pour la pharmacie, a également attiré de nombreux investisseurs. L’objectif est aussi de refinancer une acquisition importante, cette fois dans le domaine de la pharmacie. « Roquette, leader mondial des ingrédients d’origine végétale et fournisseur majeur d’excipients pharmaceutiques, va renforcer significativement ses activités pharmaceutiques avec l’acquisition d’IFF Pharma Solutions financée au travers d’un bridge d’acquisition de 2,6 milliards d’euros, souligne Laurence Mouratille Lévy, coresponsable marchés de capitaux mid caps chez Société Générale. Ce bridge est refinancé notamment par un term loan à hauteur de 600 millions d’euros et par cette émission obligataire en deux tranches, pour 1,2 milliard d’euros au total. » La première tranche, de 600 millions d’euros, est composée d’obligations seniors d'une maturité de 7 ans, notées BBB par S&P. La deuxième, du même montant, correspond à des obligations subordonnées notées BB+ par S&P. Pour la moitié, cette dette est assimilable à des fonds propres, ce qui permet d’améliorer la structure de bilan de l’entreprise.
« Cette émission inaugurale a été un gros succès, souligne Laurence Mouratille Lévy. Le carnet d’ordres final a atteint plus de 3,1 milliards d’euros, ce qui a permis de resserrer fortement les spreads : pour la tranche senior, l’entreprise a pu passer de MS+ 190-200 points de base initialement à MS+ 150, et, s’agissant de la tranche hybride, le coupon a été abaissé tout aussi significativement, tombant d’une fourchette initiale de 5,875 %- 6 % à 5,50 % in fine. »