Après avoir dû s’adapter dans l’urgence au confinement, les directions financières doivent maintenant gérer la période de transition avant le retour à la normale. Chaque semaine, Option Finance continue de leur donner la parole afin qu’elles fassent part de leur expérience dans ce contexte de crise totalement inédit. Une façon de partager les problèmes, mais aussi, et surtout, les solutions.
Alors que Loisirs Enchères réalisait avant le confinement 75 % de son chiffre d’affaires grâce à la vente en ligne aux enchères de voyage, l’entreprise a été contrainte de miser sur son activité de vente d’objets de loisirs pour résister à la crise. Une stratégie qui a d’ailleurs connu un certain succès, comme l’explique Jean-Baptiste Bonhour, son directeur administratif et financier.
Comment la crise sanitaire de la Covid-19 a-t-elle affecté votre activité ?
Nous sommes considérés comme une agence de voyages par notre immatriculation auprès de l’organisme Atout France (agence de développement touristique de la France). Nos clients, ayant été interdits de se déplacer et de quitter le territoire, ont donc été dans l’incapacité de s’offrir des voyages. Cette partie de notre activité, qui représentait 75 % de notre chiffre d’affaires avant le confinement, a donc été mécaniquement mise à l’arrêt.
Heureusement, nous disposons d’une activité de ventes aux enchères en ligne d’objets de loisirs (repas gastronomiques auprès de nos partenaires restaurateurs, objets du quotidien comme des ordinateurs, des imprimantes, de la décoration d’ameublement, du jardinage, etc.) qui pèse 25 % de notre chiffre d’affaires habituellement. Or, il se trouve justement que l’un de nos projets, au début de l’année 2020, était de développer cette branche. Nous avons donc profité du confinement pour accélérer cette démarche et ouvrir notre catalogue d’objets du quotidien à plus d’entreprises partenaires afin de proposer davantage de produits, d’autant que beaucoup de nos clients ont été très demandeurs de matériel pour le télétravail.
Cette stratégie nous a permis d’inverser notre tendance de chiffre d’affaires en réalisant 75 % de celui-ci grâce à la vente d’objets de loisirs qui a plus que doublé pendant le confinement et donc de mieux résister à la crise que d’autres acteurs classiques du tourisme.
Quelles mesures d’urgence votre direction financière a-t-elle été obligée de prendre pour répondre à la crise ?
Notre objectif numéro 1 était de préserver les emplois. Aussi, nous avons placé l’ensemble de nos 45 salariés en chômage partiel, au prorata de la baisse d’activité de chacun. Par ailleurs, pour répondre aux besoins des clients sur notre activité d’objets de loisirs, nous avons par exemple décidé d’y réaffecter des chargés de partenariats et des commerciaux.
De plus, nous avons également choisi de recourir aux autres dispositifs d’aides exceptionnelles mis en place par le gouvernement, comme le report de paiement des échéances sociales et fiscales ainsi que celui à six mois des échéances bancaires sur nos emprunts en cours (dette bancaire à moyen terme). Je tiens d’ailleurs à préciser que nous avons vraiment été soutenus par les banques durant cette période compliquée. Notre demande de prêt garanti par l’Etat (PGE) auprès de notre banque Crédit Agricole, par exemple, a été acceptée sans difficulté et nous avons reçu les fonds très vite.
Vous n’avez donc rencontré aucun problème de trésorerie durant cette période ?
Dans un premier temps, non. En revanche, l’ordonnance du 25 mars 2020 a obligé les acteurs du tourisme, concernant les voyages qui devaient s’effectuer pendant le confinement, à proposer à leurs clients une nouvelle offre équivalente dans les 18 mois avec un système d’à-valoir ou un remboursement à l’issue de ce délai si aucune solution similaire n’a été trouvée. Aussi, dans le cadre de nos recherches de financements auprès des banques, et notamment du PGE, nous avons pris en compte cette éventualité de futurs remboursements. De même, nous avons parfaitement conscience que certains hôteliers ou restaurateurs avec qui nous travaillons vont peut-être malheureusement faire faillite. Or, là aussi, tous les montants d’ores et déjà engagés auprès d’eux par nos clients devront être remboursés ou faire l’objet d’une prestation équivalente. Nous sommes responsables de ces sommes car nos membres contractualisent directement avec Loisirs Enchères lors de leur achat. Nous ne sommes pas assurés en cas de défaillance d’un partenaire, c’est pourquoi historiquement et encore plus aujourd’hui, nous devons nous assurer de la solidité financière de nos partenaires. C’est également une éventualité que nous avons prise en compte dans le cadre de notre demande de PGE.
De notre côté, nous avons fait notre maximum pour honorer nos dettes fournisseurs à échéance. Certains d’entre eux n’ont d’ailleurs pas hésité à jouer la carte de la solidarité en baissant leurs honoraires de prestations pendant le confinement.
Où en est votre activité aujourd’hui ?
Nous avions profité du confinement pour procéder à une refonte de notre site internet afin de rendre nos offres encore plus attractives et il semblerait que nous ayons eu raison. En effet, depuis le déconfinement du 2 juin dernier, nous sentons un vrai effet de reprise économique. Nos membres se projettent désormais pour des départs en juillet et en août (2 500 réservations enregistrées en juin sur la période estivale à venir contre le double l’année dernière à la même époque). Mais nous constatons également une forte tendance pour des réservations en septembre et en octobre, ce qui signifie que cette année, la période estivale risque de s’allonger au-delà de la rentrée. Cette attitude s’explique sans doute par la volonté des entreprises de rattraper durant l’été le chiffre d’affaires perdu pendant la période de confinement.
En interne, tous nos collaborateurs sont encore en télétravail, ce qui ne nous pose pas de problème car nous sommes une entreprise digitalisée et nos méthodes de travail le permettent. Au sein de la direction financière par exemple, nous utilisons des outils collaboratifs comme Spendesk pour le suivi des dépenses et Payfit pour la paie. Nous attendions d’ailleurs avec impatience l’allégement du protocole sanitaire obligatoire en entreprises afin de pouvoir accueillir de nouveau un peu plus de la moitié de nos salariés dès le 6 juillet prochain.
Avez-vous tout de même été contraints de revoir certains projets prévus pour 2020 ?
Oui, certains projets n’ont pas été abandonnés mais fortement ralentis, notamment ceux portant sur notre croissance externe. Nous avions prévu par exemple de nous développer en Europe et à l’international. Or le confinement nous a contraints à nous concentrer davantage sur le territoire français, ce qui n’a finalement pas été une mauvaise nouvelle car cet été, par crainte du virus, la plupart de nos clients vont séjourner dans l’Hexagone. Nous nous sommes d’ailleurs rendu compte que de belles opportunités s’offraient encore à nous sur le marché français. En effet, certains de nos partenaires hôteliers ne pourront pas accueillir leurs habituels clients étrangers qui privilégieront eux aussi des vacances dans leur propre pays. Dans ce contexte, de nouvelles places seront disponibles pour nos membres qui pourront tenter de les remporter aux enchères. De plus, nous avons également élargi nos offres en reprenant contact avec des hôtels et des clubs de vacances avec qui nous ne travaillions pas de façon récurrente avant la crise sanitaire.
Le gouvernement est actuellement en train de faire voter par le Parlement un plan de soutien au secteur du tourisme d’un montant de 18 milliards d’euros dans le cadre du troisième volet du projet de loi de finances rectificatif pour 2020. Que pensez-vous de ce dispositif ?
Ce plan est une excellente nouvelle pour notre secteur. D’abord, le chômage partiel va rester pris en charge à 100 % par le gouvernement jusqu’à fin septembre, ce qui est très rassurant.
Ensuite, nous allons finalement pouvoir bénéficier de la transformation du report de paiement des charges sociales et fiscales en exonération pure et simple pour la période courant du mois de mars au mois de juin, ce qui représente 150 000 euros. Enfin, le gouvernement souhaite accorder un crédit de cotisation égal à 20 % des salaires versés depuis février dernier. Ce crédit constituerait pour notre entreprise une sorte d’avoir utilisable auprès des Urssaf dans le cadre du paiement de futures charges.
Je tiens toutefois à souligner que d’une manière générale, depuis le début de la crise de la Covid-19, et même si le gouvernement a réagi très rapidement pour soutenir les entreprises en difficulté, il nous a fallu très souvent jongler entre les annonces de Bercy et leur effectivité réelle. En effet, la publication des décrets d’application pouvait parfois paraître 15 jours, voire un mois, après les déclarations des ministres. Cela a exigé une certaine gymnastique financière, notamment sur le report de paiement des cotisations. Aujourd’hui, nous souhaitons participer aux discussions sur le grand plan de relance annoncé comme un plan Marshall du tourisme par le gouvernement pour la rentrée prochaine.