Engagées pour la plupart dans leur transformation digitale, les directions financières des ETI et grands groupes cherchent à se faire accompagner dans ce chantier par des contrôleurs de gestion projets spécialisés dans les systèmes d’information financiers. Un métier qui, en plein développement, requiert des compétences techniques et informatiques pointues, mais aussi d’importantes qualités relationnelles.
Big data et intelligence artificielle devraient révolutionner le métier de contrôleur de gestion. C’est en substance ce qui ressort de l’édition 2018 de l’Observatoire international du manager de la performance, selon lequel ces technologies représentent de nouvelles opportunités pour la profession. En effet, 81 % des répondants estiment que l’analyse d’une forte volumétrie de données permise par ces dernières leur permettra d’améliorer la mesure de la performance. «Avec ces technologies, le contrôleur de gestion va pouvoir renforcer son rôle de conseil, mais surtout développer une vision prédictive de plus en plus demandée», confirme Frédéric Doche, président de Décision Performance Conseil et président du groupe contrôle de gestion de l’Association des directeurs financiers et de contrôle de gestion (DFCG). De même, la robotisation et l’automatisation des processus jusque-là accomplis par le contrôleur de gestion contribuent également à la mutation de la profession.
Des missions délicates
Dans ce contexte marqué par la transformation digitale des directions financières, un nouveau profil de contrôleur de gestion, doté de compétences informatiques, émerge : le contrôleur de gestion projet systèmes d’information finance. Logiquement, les missions de ces spécialistes sont fonction des projets informatiques de leur employeur. «Leur activité se partage entre les projets digitaux liés aux systèmes d’information, tels que le remplacement d’un ERP, la mise en place d’un système d’information finance ou d’un CRM, et ceux liés à des projets plus structurels et organisationnels comme la mise en place d’un centre de services partagés, ajoute Frédéric Doche. Comme tout contrôleur de gestion projet, ils ont pour vocation de suivre et piloter les coûts et les gains inhérents au projet digital, d’en assurer la planification stratégique et opérationnelle, de modéliser le système de gestion et, enfin, d’en mesurer et contrôler la performance.»
Une tâche qui se révèle pour le moins complexe dans la mesure où les chantiers digitaux concernés sont généralement déployés pas à pas, le déroulement de chaque phase du projet et ses résultats conditionnant le déroulement de l’étape suivante (on parle par exemple de «test and learn»). De quoi rendre particulièrement complexe le calcul de leur retour sur investissement… A cela s’ajoutent enfin d’autres prérogatives, comme par exemple la capacité à identifier les centres de coûts informatiques pouvant être rationalisés afin de réallouer les économies ainsi générées aux projets digitaux. «Il peut s’agir de la révision à la baisse des budgets récurrents inhérents à des projets matures tels que les télécoms ou de la suppression de coûts relatifs à des applicatifs qui ne seraient plus utilisés dans l’entreprise», illustre Frédéric Doche.
De nombreux recrutements en interne
Ce faisant, la qualité première recherchée est celle d’un contrôleur de gestion aux méthodes et aux résultats éprouvés. En outre, le contrôleur de gestion SI finance doit avoir une appétence marquée pour le digital et les systèmes d’information, une capacité à comprendre le langage technique des opérationnels et les enjeux des projets avec une vision internationale (sécurité, choix des solutions retenues, création de valeur pour les utilisateurs…). Pour répondre aux besoins des entreprises, «un certain nombre de contrôleurs de gestion projet sont amenés à se spécialiser sur les systèmes d’information finance», observe Albane Prieto, directeur au sein du cabinet de recrutement Robert Half. Et pour cause : il n’existe pas encore de formations dédiées. Dès lors, il y a donc relativement peu de collaborateurs idoines sur le marché du travail. «Si, pour le moment, les entreprises favorisent le recrutement interne, nous nous attendons néanmoins, dans les mois et années à venir, à être davantage “challengés” sur la recherche de contrôleurs de gestion projet SI Finance», considère toutefois Albane Prieto.
Parmi les contrôleurs de gestion projet SI finance en poste aujourd’hui, des caractéristiques se détachent.«De formation bac + 5 (Université, master 2 en finance, audit, contrôle de gestion, école d’ingénieurs ou de commerce), ils ont généralement une expérience préalable d’au moins trois ans en cabinet d’audit ou de conseil (Big 4, Accenture, Cap Gemini, Bearing Point) où ils auront été sensibilisés aux enjeux SI des entreprises, ou en contrôle de gestion projets, précise Stéphanie Moulgouzou, principal chez Talenance. Ils peuvent également commencer en contrôle de gestion, participer aux évolutions et/ou changements d’ERP utilisés par les équipes financières et évoluer ensuite en contrôle de gestion IT.»
Les soft skills, prérequis indispensables
Enfin, les capacités relationnelles sont indispensables. En effet, le poste de contrôleur de gestion projets SI finance est avant tout une fonction pivot. «Cet expert est à la fois un pan fonctionnel (relations avec la DSI notamment sur le système d’information) et un pan opérationnel (traduction à valeur ajoutée des attendus des services opérationnels en langue informatique), explique Albane Prieto. Il pilote intégralement, comme pourrait le faire un chef de projet, la bonne compréhension d’un projet SI par tous les services. La fonction exige donc de vraies qualités de communicant et une grande capacité d’adaptation et de conduite de projets. Cela nécessite des aptitudes à la pédagogie (vulgarisation du discours, adaptation au type d’interlocuteur).» Autant de prérequis qui font de cette fonction en devenir, de l’avis même des chasseurs de tête, un véritable tremplin pour des postes de management dans la fonction finance.
Des salaires confortables
Selon Robert Half, la rémunération annuelle moyenne (part fixe) des contrôleurs de gestion projets SI finance s’établit dans une fourchette de 35 000 à 40 000 euros pour les profils junior, de 40 000 à 50 000 euros pour les collaborateurs disposant d’une première expérience confirmée (trois à cinq ans), et de 60 000 à 70 000 euros pour ceux affichant plus de cinq ans d’expérience. La maîtrise de l’anglais est un argument pour tirer ces niveaux vers le haut.
Ces revenus sont souvent agrémentés d’une rémunération variable allant de 5 % à 15 % du salaire fixe.