Largement portés par la réglementation, les investisseurs se sont emparés des sujets climat et transition énergétique qui font désormais partie de leur stratégie d’investissement au quotidien. Qu’en est-il de la biodiversité ? Cette thématique plus récente est aujourd’hui en devenir. Si les investisseurs s’en emparent, beaucoup s’interrogent sur la façon de mettre en place une stratégie d’investissement en faveur de la biodiversité tout en poursuivant leur engagement en faveur du climat. En ce sens, le mariage entre biodiversité et énergie n’est pas évident.
La biodiversité est désormais de plus en plus prise en compte par les investisseurs institutionnels. Selon les résultats de la troisième étude annuelle menée par Robeco auprès de 300 institutionnels, le changement climatique est aujourd’hui considéré comme un sujet prioritaire par une grande majorité des investisseurs (70 % des répondants à l’enquête). Qu’en est-il de la biodiversité ? Toujours selon l’étude menée par Robeco, ce sont désormais 48 % des sondés qui citent la biodiversité comme ayant un rôle central de leur politique d’investissement. « Il faut bien avoir à l’esprit qu’en 2022, ce pourcentage était de 41 % et nous estimons que ce pourcentage devrait atteindre 66 % d’ici deux ans », constate Karim Carmoun, président, Robeco France.
La nécessité d’initier une réflexion globale
Se pose néanmoins la question de l’articulation des investissements en faveur de la biodiversité avec ceux en faveur du climat, et particulièrement dans le secteur de l’énergie. « Nous avons eu tendance à considérer que la manière la plus simple d’envisager la question environnementale était de créer un régime de gouvernance propre à chaque question. Cependant toutes les thématiques sont interdépendantes et fortement corrélées les unes aux autres », constate François Gemenne, spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement. En étant abordées de façon séparée, les actions en faveur du climat peuvent même entrer en conflit. Dans ce contexte, Sylvain Makaya, partner asset-based finance, Eurazeo, enjoint aux entreprises de coordonner davantage leurs initiatives. « Chaque entreprise, chaque secteur d’activité et chaque partie du globe travaillent en silo sur ces thématiques. A mon sens, le Nord ne peut pas avancer sur le sujet de la biodiversité sans regarder ce que fait le Sud et inversement. Il y a une réflexion commune à initier autour de la méthode, mais aussi autour de la mesure. »
De l’importance des indicateurs
Dans leur quotidien, les gérants de portefeuille peuvent s’appuyer sur les réglementations et les normes européennes. « Sur l’ESG, le sujet de la donnée demeure essentiel », explique Anne-Sophie Demorgny, responsable durabilité, direction financière, MACSF. Si elles peuvent être source de contraintes, les réglementations permettent également de délivrer aux gérants des éclaircissements sur la stratégie des entreprises. Pour l’heure, le sujet de la biodiversité est très peu couvert et l’impact global d’une entreprise reste difficile à appréhender par les gérants. « Aujourd’hui, les seules informations auxquelles nous avons accès concernent la présence ou non de l’entreprise dans des zones de biodiversité. Pour une grande majorité d’entreprises, une simple réponse “no disclosure” est apportée à cette question. Ce qui, en tant que gérants, ne nous avance pas beaucoup », déplore Nathalie Pistre, directrice recherche et ISR, Ostrum AM.