Fortement d’actualité, la réforme sur la facturation électronique continue de susciter des interrogations de la part des entreprises, tant sur sa mise en œuvre que sur les opportunités qu’elle leur offre en matière d’optimisation des processus financiers.
Au 1er juillet 2024, les entreprises ne pourront plus échapper à la facture électronique. Le vote en août dernier de la loi de finances rectificative pour 2022 puis le décret n° 2022-1299 du 7 octobre 2022 sont en effet venus préciser et entériner le calendrier de la généralisation de la facturation électronique ainsi que ses modalités de mise en œuvre. Dans le cadre de cette loi, « les assujettis à la TVA en France devront, à terme, émettre, transmettre et recevoir les factures sous format électronique dans leurs transactions avec d’autres assujettis ». Ils devront également « transmettre à l’administration fiscale les données de facturation, ainsi que les données relatives aux opérations non domestiques ou avec une personne non assujettie ». Pour s’acquitter de leurs obligations, les entreprises pourront librement choisir de recourir à une ou plusieurs plateformes de dématérialisation partenaires (PDP) ou au portail public de facturation (PPF).
Quelle technologie choisir ?
Plus concrètement, selon les formats de facturation qu’elles ont mis en place (papier, EDI, PDF…), et les objectifs qu’elles se fixent en termes de performance, plusieurs solutions s’offrent en effet aux entreprises. Par exemple, celles qui s’appuient déjà sur des flux EDI pourront se raccorder à une ou plusieurs PDP. A l’inverse, celles qui aujourd’hui transmettent encore leurs factures par mail ou en version papier, ou encore celles qui émettent peu de factures, passeront alors par un opérateur de dématérialisation (OD) ou les transmettront directement sur le PPF. Les entreprises qui opèrent à l’international et qui ont des obligations en matière de e-reporting, s’appuieront pour leur part sur des PDP… « Au-delà de la transmission des flux d’information, les PDP pourront d’ailleurs proposer d’autres services tels que des workflows de validation, des systèmes de paiement, des interactions avec les autres acteurs de la dématérialisation (PDP) ou encore de l’archivage à valeur probante, précise David Dogimont, associé chez Mazars. Les PDP, qui devront être immatriculées, seront en effet en capacité de digitaliser d’autres données que celles prévues dans le cadre de la réforme. » Des prestations qui pourraient inciter les entreprises à se tourner vers elles plutôt que de passer par des OD ou le PPF.
«La réforme sur la facture électronique permettra d’améliorer l’expérience opérationnelle des entreprises. »
Des clarifications encore attendues sur la réforme
Bien que les textes de loi soient désormais votés, des précisions et des évolutions, notamment sur les attendus des PDP, restent néanmoins encore à définir et sont à l’étude au sein des différents groupes de travail mis en place par la DGFiP, l’AIFE, la FNFE, etc. D’ailleurs, selon une étude menée en 2022 par Markess by Exaegis avec le soutien d’Itesoft, six entreprises sur dix expriment un besoin de clarification sur les modalités de mise en œuvre (formats acceptés, mentions obligatoires, modalités de rejet…). Face à la complexité tant technique qu’organisationnelle que recouvre la réglementation, les entreprises sont également en questionnement et à la recherche d’accompagnement.
«Les enjeux liés à la réforme sur la facturation électronique vont au-delà de la seule fiscalité. »
La facturation électronique, une porte ouverte à l’optimisation des processus financiers
Si l’objectif du gouvernement consiste bien, avec cette réforme, à mieux lutter contre la fraude fiscale et en particulier à la TVA, cette réglementation représente également pour les entreprises une véritable opportunité de repenser et digitaliser plus largement leurs processus financiers pour en optimiser la gestion mais également gagner en efficacité et en performance. Selon une étude menée en 2022 par Markess by Exaegis avec le soutien d’Itesoft, pour une large majorité d’organisations, le plus important ne semble d’ailleurs pas être la « facture » mais le processus P2P dans son ensemble. 69 % des entreprises interrogées dans le cadre de cette étude souhaitent aller plus loin que leur simple mise en conformité, en digitalisant d’autres documents (bons de commande, bons de livraison…). Et 69 % encore souhaitent automatiser le rapprochement entre factures et bons de commande. « Cette réforme est l’occasion de dématérialiser l’ensemble des processus financiers de l’entreprise et en particulier les chaînes procure-to-pay (P2P) et order-to-cash (O2C), mais également la gestion des notes de frais, etc. », insiste David Dogimont, associé Mazars. Ces projets « globaux » sont d’autant plus plébiscités par les entreprises que leurs bénéfices sont aujourd’hui largement reconnus.
Ainsi, loin d’être un motif de crainte, l’automatisation des processus est globalement perçue par 41 % des directions financières comme une opportunité (« Evolution de la fonction finance en entreprise, Esker/OpinionWay, août 2022). A ce titre, 85 % assurent que les solutions d’automatisation pourraient leur libérer du temps pour effectuer des tâches à plus forte valeur ajoutée, 78 % pour améliorer leur employabilité grâce à la formation, 76 % pour réduire le risque d’erreur humaine et pour mieux gérer l’écosystème de leur entreprise. « Plus la finance automatise ses processus, plus elle capitalise sur les bénéfices du digital et plus elle gagne en optimisation des coûts et en temps, et rend les données et informations accessibles, poursuit David Dogimont. La facturation électronique permet également d’homogénéiser les formats de factures et les données, et de faciliter l’acquisition et le traitement des données, réduisant ainsi les risques d’erreurs. »
«Cette réforme est l’occasion de dématérialiser l’ensemble des processus financiers de l’entreprise et en particulier les chaînes P2P et O2C. »
Une occasion de renforcer la relation fournisseur
Cette nouvelle donne réglementaire contribuera par ailleurs à l’amélioration de la qualité de la base de données fournisseurs et fluidifiera les échanges entre l’entreprise et l’ensemble de son écosystème clients et fournisseurs. « La réforme sur la facture électronique permettra d’améliorer l’expérience opérationnelle des entreprises, précise ainsi Stéphane Dubois, associé technology consulting PwC France et Maghreb. Pour le CFO, c’est le moyen de dialoguer plus rapidement avec d’autres acteurs de la chaîne de valeur achat ou vente et de renforcer les flux de données entre les différentes personnes concernées par ces processus. »
Si les opportunités liées à la réforme sur la facturation électronique sont de mieux en mieux identifiées, il est néanmoins important que les entreprises se concentrent en premier lieu sur leur mise en conformité avec cette réglementation. « Les enjeux liés à la réforme sur la facturation électronique vont en effet au-delà de la seule fiscalité, tient à rappeler Laurent Poigt, avocat associé indirect tax technology au sein de PwC Société d’Avocats. Comme elle impacte différents départements dans l’entreprise (la finance, la comptabilité, l’IT, la fiscalité, les métiers, le juridique), elle soulève également des enjeux en termes de change management. Sans oublier les risques financiers auxquels elles s’exposent en cas de non-conformité dans les délais qui leur sont impartis ou encore les risques réputationnels… D’où cette nécessité de sécuriser l’avant entrée en vigueur de la réglementation pour ensuite se projeter et regarder comment en tirer des bénéfices en dématérialisant l’ensemble des process financiers, en monitorant les data, ou encore en renforçant les processus de contrôle. »