Table ronde/IT et Finance

Facturation électronique : n’attendez plus !

Publié le 16 juin 2023 à 11h00

Anne Del Pozo    Temps de lecture 28 minutes

Les prestataires ont désormais la possibilité de déposer leur dossier de candidature à l’immatriculation PDP. Cette immatriculation ne sera délivrée qu’en fin d’année, mais il convient néanmoins que les entreprises n’attendent pas cette échéance pour se mettre en ordre de marche. Un certain nombre de démarches inhérentes à leur projet de mise en conformité peuvent et doivent être enclenchées en avance de phase. En effet, le passage à la facturation électronique nécessite de se pencher sur l’organisation de l’entreprise, ses process et son système d’information, afin notamment de choisir le partenaire et la solution de facturation électronique qui seront les mieux adaptés à l’entreprise mais aussi pour saisir les opportunités offertes par cette réforme.

De gauche à droite :

  • Cyrille Sautereau, président FNFE-MPE
  • Cédric Podan, expert en facturation électronique chez Basware
  • Magali Pelletier, responsable solutions pour les directions financières d’Itesoft
  • Lucas Pantarotto, responsable national du développement commercial chez Pitney Bowes

Cyrille Sautereau, président FNFE-MPE : Sur la partie réglementaire relative à la réforme sur la facturation électronique, à ce jour, beaucoup de choses ont été dites et écrites. L’article 26 de la loi de finances de l’année dernière a modifié le Code général des impôts pour exprimer les nouvelles obligations. Ensuite ont été publiés en octobre 2022 des éléments importants qui sont le décret et l’arrêté qui a encore modifié d’autres aspects du Code général des impôts dans les annexes. Ils viennent préciser quelles seront les obligations des entreprises, notamment de timing, mais aussi celles des plateformes d’immatriculation partenaires (PDP) et de la plateforme de public de facturation (PPF). Concernant les PDP, ces textes précisent ainsi le processus d’immatriculation des PDP mais aussi leurs obligations notamment en termes de sécurité et de périmètre fonctionnel. Nous avons également un document fonctionnel, les « spécifications externes », qui est publié régulièrement depuis maintenant plus d’un an et dont la dernière version « cristallisée » de janvier dernier est censée ne plus beaucoup bouger. En mai, des éléments complémentaires sur la conformité fiscale des factures électroniques ont également été publiés. C’est notamment le cas de la partie signature électronique, pour prise en compte de l’évolution de la réglementation eIDAS sur la signature électronique. Nous attendons l’équivalent sur le mode EDI et nous en aurons fini pour la partie purement réglementaire. Enfin, les bulletins officiels des impôts (BOFiP) apporteront encore quelques petites précisions supplémentaires sur la doctrine fiscale.

La réforme, dans son contour, est donc assez précise, même s’il y a encore des modifications attendues sur les spécifications externes et sur certains points de détail, concernant notamment les rejets de factures : quand les entreprises peuvent les refuser, à quel rythme et quels sont les impacts que cela peut avoir sur le cycle global. Il y a également un certain nombre de cas d’usage qui sont déjà répertoriés dans les spécifications externes et méritent pour certains encore un peu de précision.

Du côté des entreprises, quelques points de frictions demeurent. Le système repose sur le choix d’une PDP ou du PPF pour émettre et recevoir ces factures. Or, le PPF n’existera en pratique qu’à la fin de cette année, parce qu’il faut le temps qu’il se développe. D’autre part, les PDP, même si elles ont déposé leur dossier de candidature à l’immatriculation (pas toutes d’ailleurs), n’auront une réponse qu’à la fin de l’année, notamment parce qu’il faut, pour être immatriculé, démontrer sa connexion avec le portail public de facturation et qu’il est difficile de démontrer cette connexion tant qu’il n’est pas disponible. Certes, cela ne veut pas dire qu’on ne peut pas avoir une idée de qui pourra être PDP, néanmoins rien de vaut la publication des PDP immatriculées par le service en charge, tant pour les prestataires que pour les entreprises qui doivent faire leur choix de plateforme. Le deuxième point de préoccupation des entreprises concerne le timing. Elles n’ont pas toujours pris conscience de la réforme suffisamment tôt, un niveau de maturité qui dépend d’ailleurs aussi un peu de leur taille. Pour les grandes entreprises qui se confrontent à la réforme sur tous ses aspects dès le 1er juillet 2024, il s’agit d’un chantier important puisqu’elles ont à la fois l’obligation de recevoir, qui n’est finalement pas la plus compliquée, l’obligation d’émettre, qui signifie un certain nombre de choses, notamment de savoir créer des factures avec des données conformes à la norme sémantique européenne (EN 16931), et l’obligation d’e-reporting, pour laquelle on aurait encore besoin d’un peu de précisions et qui n’est pas totalement anodine. Enfin, l’interopérabilité entre PDP tout d’abord, mais aussi entre les solutions de gestion ou OD avec les PDP ou le PPF, reste également un point d’attention important, sur lequel travaille d’ailleurs le FNFE-MPE.

Au-delà de la contrainte réglementaire, les opportunités

Magali Pelletier, responsable solutions pour les directions financières d’Itesoft : Il est en effet important de ne pas sous-estimer les efforts nécessaires pour se mettre en conformité. Cependant, il convient également de ne pas sous-estimer l’opportunité formidable que représente cette réforme pour les entreprises. Bien plus qu’une contrainte, c’est surtout l’occasion de refondre ses processus financiers. Elle offre également l’opportunité d’identifier et prendre en compte l’ensemble de ses cas d’usage en interne, et de cartographier ses flux ainsi que ses systèmes d’information. Jusqu’à présent, les entreprises ont, pour une grande partie, eu tendance à l’hybridation, c’est-à-dire qu’elles ont multiplié le nombre d’outils de gestion (outil de gestion d’entreprise ou outil de facturation). Or, cette réforme, en poussant à une meilleure maîtrise de ses flux et de la data, va favoriser la centralisation des données de facturation et le suivi de ces flux. sur de la donnée en quasi-temps réel. Au-delà de cette centralisation des outils, les entreprises vont donc pouvoir optimiser l’usage de leurs outils en interne.

D’autre part, cette réforme est avant tout une réforme de la donnée, basée sur des contrôles en continu des transactions par l’administration fiscale. Ce qui va profondément transformer les échanges inter-entreprises tant au niveau des factures fournisseurs que des factures clients. Aller au-delà de la simple dématérialisation des factures et donc digitaliser l’ensemble des processus financier, c’est uniquement par ce biais que les entreprises pourront tirer pleinement parti des bénéfices escomptés : sur la réduction des coûts, la maîtrise des délais de paiement, le pilotage de la performance, l’optimisation opérationnelle. Ainsi, lorsque nous parlons de digitalisation des processus financiers, cela inclut la digitalisation des achats, mais aussi l’intégration des traitements des documents constitutifs d’une transaction commerciale, à savoir les bons de commande, les devis, les bons de livraison, les lettres de douane…

La data, qui est liée à la facture, prend encore plus d’importance quand elle est confrontée, matchée ou associée à d’autres documents, des documents connexes, avec lesquels nous allons pouvoir récupérer de la donnée complémentaire et ainsi la traiter comptablement. Cette facture électronique est nécessaire pour la transaction numérique. Cependant la transaction numérique ne s’arrête pas à un échange de factures électroniques. C’est également et réellement aller bien plus loin dans les processus d’échange et dans la gestion financière.

Les entreprises doivent se mettre en ordre de marche

Cédric Podan, expert en facturation électronique chez Basware : Pour que cette réforme devienne une opportunité, il convient de s’y préparer. Elle peut en effet être complexe à différents niveaux. En termes de préparation, il convient notamment de s’assurer que l’intégralité des flux soit traitée et intégrée correctement et que le calendrier du déploiement soit respecté avec les différentes parties prenantes. Il sera important pour les entreprises, quelle que soit leur taille, de bien identifier leurs partenaires commerciaux, clients et fournisseurs, notamment par taille pour pouvoir cibler les obligations des uns et des autres et savoir à partir de quand elles vont devoir recevoir, mais également émettre des factures électroniques avec le calendrier qui a été fixé par la direction générale des impôts. Il est par ailleurs important de voir avec ces mêmes fournisseurs et ces mêmes clients les impacts en termes de gestion de charge et de montée en volumes de leurs flux de facturation, qu’ils soient entrants ou sortants. De même, il est indispensable que les entreprises regardent comment elles sont organisées aujourd’hui en termes de personnel et d’équipe, et qu’elles soient en capacité d’assurer cette transformation digitale, ou de définir si elles doivent recourir à un prestataire externe pour pouvoir réaliser ces différents changements et se faire accompagner dans cette transition. Enfin, il faudra qu’elles regardent l’ensemble des systèmes et outils métiers potentiellement impactés par la réforme au sein de l’entreprise, comme ses référentiels clients et fournisseurs, afin de s’appuyer sur des données fiables, et d’identifier s’il y a des optimisations nécessaires à réaliser ou des contraintes particulières… Cette réforme est l’occasion de rationaliser son système d’information, et d’éviter notamment les doublons en termes de solutions. Les bénéfices de la réforme ne seront perceptibles que si la préparation et la transition sont correctement assurées. Charge à chaque entreprise assujettie de s’équiper en conséquence et soit de faire appel aux prestataires qui lui permettraient d’assurer cette transition dans les meilleures conditions possibles, soit de se reposer tout simplement sur ses propres ressources, qu’elles soient techniques, humaines, technologiques et autres si elles permettent de répondre aux exigences de la réforme.

Lucas Pantarotto, responsable national du développement commercial chez Pitney Bowes : Face à ces différents scopes, ces cas d’usage, cette cartographie, les entreprises disposent de différents prestataires et solutions qui pourront les accompagner dans leur mise en conformité. Certaines entreprises disposent d’ailleurs déjà de solutions en place. Cela ne les exempte néanmoins pas du travail de cartographie qui se fait de la même manière dans toutes les entreprises assujetties à cette réforme. Il faut passer par cette voie pour connaître, maîtriser, recenser, identifier tous ces cas d’usage. D’autre part il faut identifier aussi les solutions en place au sein de son organisation et revenir à la substance de ce qu’elle fait : s’agit-il d’un prestataire de service qui fait de la dématérialisation ? D’un éditeur de logiciel qui maîtrise véritablement la donnée ? Qu’advient-il de la donnée traitée par ces solutions ? Cette réglementation est en effet une opportunité d’aller au-delà de la simple conversion du format de facture attendue par le portail public de facturation. Comme nous aurons de la donnée, nous pourrons l’ordonnancer correctement. Il faut voir ce que les distributeurs pourront apporter : viennent-ils du P2P ? Viennent-ils uniquement du marché de la dématérialisation ? Maîtrisent-ils la donnée ? Savent-ils faire des API ? Autant d’éléments qui, suite à la cartographie des flux, des écosystèmes, des cas d’usage réalisée par les entreprises, va orienter leur choix de plateforme et leur arbitrage entre une OD ou une PDP. Le travail est le même pour toutes les entreprises en matière de cartographie de ces cas d’usage et de sa comptabilité, facturation client, facturation fournisseur, et le choix se fera logiquement à travers la valeur ajoutée qu’apporte le provider, soit en place, soit à venir.

Cyrille Sautereau : Cette réforme, si elle fixe un cadre d’échange de factures, avec une obligation de données, ne se limite pas à l’arbitrage entre une PDP et un OD. Ce choix intervient d’ailleurs plutôt en fin de réflexion. Cette réforme implique pour les entreprises de revoir leurs processus de facturation car elle va nécessiter de passer par des factures électroniques avec des données mais aussi par le fait de respecter la réglementation fiscale telle qu’elle s’exprime depuis assez longtemps. Par exemple, aujourd’hui, il arrive fréquemment qu’un acheteur ignore une facture sur laquelle il n’est pas d’accord et laisse son fournisseur la refaire. Avec la réforme, sauf si la facture est mal adressée, ce ne sera plus possible. Il faudra signifier son refus ou la mise en « litige », comptabiliser la facture et attendre un avoir ou une facture rectificative pour déboucler. Ainsi, la réforme intègre un cycle de vie normalisé, constitué de différents statuts de transmission, puis de traitement, dont certains sont partagés avec l’administration fiscale. Il faudra ainsi signifier quand une facture est déposée (c’est-à-dire conforme), rejetée, refusée avec des motifs, mais aussi approuvée, en litige, suspendue, mise en paiement. Enfin, une obligation dite d’e-reporting impose aussi au fournisseur de notifier de l’encaissement des factures dont la TVA est due à l’encaissement. Tout ceci implique un alignement des processus de traitement et un partage d’information auquel les entreprises ne sont pas habituées. Et il faut le faire en quasi-temps réel. C’est également du changement du côté de l’émission des factures. Il convient en effet que les entreprises s’assurent qu’elles produisent et construisent correctement leurs factures, qu’elles gèrent convenablement les remises et les charges, qu’elles calculent bien la TVA en pied et non en ligne, que, lorsqu’elles font une facture d’acompte, elles la comptabilisent bien en bilan et pas dans le compte de résultat, qu’elles apprennent à gérer une TVA potentiellement déclarée deux fois (sur les factures d’acompte et des factures finales). Il s’agit là d’exemples qui arrivent tous les jours. 

Autre exemple, quand une entreprise utilise une place de marché et que c’est cette dernière qui gère ses factures, voire ses paiements et encaissements, comment est-ce que cela se passe pour émettre ses factures ? Comment en aura-t-elle connaissance pour faire ses déclarations ? Quand une entreprise envoie ses collaborateurs en déplacement professionnel, comment faire pour que les factures sous-jacentes de restaurants et d’hébergements deviennent bien des factures pour l’entreprise et que la TVA soit éventuellement déductible ? Lorsqu’elle fait des acquisitions à l’international, comment doit-elle traiter les factures et avec quelles solutions ? En effet, les acquisitions à l’international hors import de biens doivent faire l’objet d’un e-reporting, ce qui signifie qu’il va falloir que les entreprises extraient les mentions obligatoires de ces factures, pas forcément électroniques ni avec des données, pour les transférer à l’administration fiscale assez rapidement (sous 10 jours pour les entreprises au régime normal mensuel). Cette réforme est ainsi l’occasion de cartographier et remettre à plat tous ces processus et de faire en sorte de les harmoniser le plus largement possible. Cette cartographie est également importante pour identifier les besoins à venir en termes de solutions et technologies, les éléments dont l’entreprise a besoin pour passer de sa situation actuelle à la situation future. Alors, elle peut commencer à s’interroger sur ses besoins en termes d’aide et de prestataires et après, sur son éventuel besoin de recourir ou non à une PDP ou si le PPF suffit. D’ailleurs, les entreprises ne sont pas obligées de choisir une seule plateforme pour les émissions, la réception et l’e-reporting. Il peut y avoir des choix qui sont différents parce que l’existant est différent et qui dépendent de la situation de l’entreprise.

Cyrille Sautereau, président FNFE-MPE

« La réforme, dans son contour, est assez précise, même s’il y a encore des modifications attendues sur les spécifications externes et sur certains points de détail. »

Cyrille Sautereau est président du Forum national de la facture électronique (FNFE) depuis 2015. Il a commencé sa carrière dans les années 1990 dans le groupe La Poste où il a contribué à la création de la Banque Postale. Il a ensuite créé un des premiers opérateurs de facturation électronique en France au début des années 2000, dénommé Deskom, vendu à Cegedim en 2010. Depuis 2012, il met son expérience d’entrepreneur et d’expert de la transition digitale des processus métiers au service des entreprises, des offreurs et des régulateurs au sein de sa structure de conseil Admarel Conseil, avec un focus particulier sur le déploiement des usages de la facture électronique et de la supply chain en France et en UE. Cyrille est aussi impliqué dans les travaux normatifs internationaux, y compris liés à l’interopérabilité. Il est également rapporteur du standard Factur-x.

PDP, OD, PPF : quelles différences ?

Cyrille Sautereau : La réglementation ne concerne que l’échange des factures et l’obligation de transférer des données (les mentions obligatoires des factures), à l’administration fiscale progressivement. Et donc, la réglementation cite expressément les PDP comme étant des acteurs du réseau d’échange réglementés, immatriculés, partenaires de l’Etat avant d’être partenaires des entreprises. Elles ont la particularité d’être les seules à être en capacité d’échanger des factures interentreprises domestiques entre assujettis à la TVA, de les contrôler et d’extraire les données pour les envoyer vers l’administration fiscale. C’est ce qui les différencie de tous les autres acteurs.

Parallèlement, ces PDP peuvent avoir de la valeur ajoutée en amont et en aval de la transmission des factures et de leur contrôle, soit pour aider à les fabriquer, soit pour aider à les matcher ou à les rapprocher pour enfin les payer. Ce périmètre-là est pour sa part totalement concurrentiel et peut d’ailleurs être pris en charge aussi bien par des OD que par des PDP.

Les OD sont pour leur part des éditeurs de logiciels qui gèrent des processus métiers (des ERP) ou du contenu (gestion documentaire de toutes sortes) et qui aujourd’hui transmettent, par exemple, des factures PDF par mail. Les OD peuvent décider de passer dans la catégorie PDP, mais elles peuvent aussi en rester là et continuer à apporter leur valeur ajoutée auprès de leurs clients entreprises. Leurs offres de services sont en général une composante du système d’information de l’entreprise, qui a vocation à l’accompagner, à l’aider à s’acclimater ou à s’aligner sur la réforme, y compris dans la gestion des cas d’usage pour lesquels elle peut apporter des solutions permettant de mieux les traiter. Par exemple, des solutions de gestion des frais peuvent très bien être adaptées pour se rendre compatibles avec la réforme. Les OD peuvent accompagner les entreprises vers la réforme, soit en amont soit en aval, et avoir des PDP partenaires ou travailler avec le PPF pour l’échange des factures, des statuts et des éléments d’e-reporting. Si le périmètre fonctionnel d’une PDP implique obligatoirement de prendre en charge les factures reçues, les factures à émettre et l’e-reporting, un OD peut pour sa part se spécialiser, par exemple, dans l’émission des factures ou dans la réception des factures (sur la partie achat). Nous avons donc une variété et des spécialisations de la fonction OD assez importantes. La fonction de la PDP est pour sa part davantage articulée autour de l’échange d’abord. D’ailleurs, je préfère parler de fonction de PDP ou de fonction d’OD plutôt que de positionnement… Les acteurs sont ainsi soit OD, soit PDP « pures », c’est-à-dire très centrées sur l’échange, soit PDP élargies, c’est-à-dire à la fois PDP et OD.

Concernant l’e-reporting, un OD peut y participer, le préparer et l’émettre pour le compte de l’entreprise directement au portail public de facturation si l’entreprise utilise le portail public de facturation comme plateforme. Elle est alors identifiée comme utilisateur de cette plateforme et elle doit habiliter cet OD pour qu’il puisse transmettre au PPF des éléments d’e-reporting (des factures, des cumuls de ventes quotidiens pour les ventes aux particuliers) pour le compte de l’entreprise. En revanche, elle n’a pas l’obligation de concaténer des éléments d’e-reporting pour constituer une déclaration périodique d’e-reporting, ce qu’une PDP a pour sa part l’obligation de faire. Ainsi, une entreprise qui fait appel à une PDP (ou au PPF d’ailleurs) lui envoie soit des factures, soit des éléments déclaratifs (éléments de vente, aides de caisse…) pour déclarer ce qu’elle a vendu chaque jour à des particuliers ou pour déclarer les factures faites à l’international ou des factures reçues de l’international en acquisition hors imports de biens. La PDP va les retenir et en faire un paquet qui constituera une déclaration périodique d’e-reporting. La PDP n’a pas le droit de les pousser au fil de l’eau vers le PPF pour déclaration. Un OD, qui agit pour le compte de l’entreprise, peut transmettre des éléments d’e-reporting vers la plateforme choisie par l’entreprise (PDP ou PPF), élémentaires ou regroupés. Les deux peuvent interagir, mais pas de la même façon. L’OD est en préparation et en alimentation, la PDP peut être en préparation, mais elle est aussi en charge de la création, du contrôle formel et de la transmission de la déclaration périodique d’e-reporting.

Magali Pelletier, responsable solutions pour les directions financières d’Itesoft

« Bien plus qu’une contrainte réglementaire, cette réforme est surtout l’occasion de refondre ses processus financiers. »

Magali Pelletier est responsable des offres auprès des directions financières chez ITESOFT, le leader français des logiciels de digitalisation et d’automatisation des processus métier qui traite plus d’un milliard de documents chaque année. Forte de 15 ans d’expérience dans l’industrie logiciels B2B et l’IT, elle apporte sa vision transverse sur les solutions SaaS et la stratégie « go to market ». Magali Pelletier est par ailleurs référente « facture électronique 2024 » auprès de la DGFIP et de l’AIFE dans les ateliers de suivi de la réforme réglementaire avec l’écosystème finance.

Comment choisir une PDP ?

Magali Pelletier : La frontière entre un OD et une PDP reste quand même assez mince. Concernant les spécifications, les PDP sont néanmoins contraintes par un certain nombre de spécifications qu’elles doivent respecter. Elles doivent notamment être certifiées ISO 27001 et s’appuyer d’une infrastructure SecNumCloud si elles externalisent leur datacenter. Cela représente un véritable impact dans les infrastructures actuelles des éditeurs et nécessite des changements nécessaires à l’obtention de cette immatriculation PDP.

Pour autant, le choix d’une PDP pour une entreprise dépend vraiment de la nature du flux, des formats échangés qu’il convient de bien identifier. C’est la raison pour laquelle toute la partie de cartographie des processus financiers va influer le choix vers un OD ou une PDP. Les entreprises ne doivent pas impérativement faire le choix d’une PDP. De façon naturelle, si une entreprise échange des flux de facturation sur la base de flux EDI (hors UBL et CII, c’est-à-dire plutôt de l’Edifact ou du Gallia) elle aura alors plutôt intérêt à s’orienter vers une PDP pour pouvoir l’accompagner et capitaliser sur les investissements qu’elle a pu réaliser par le passé, et ainsi éviter de tout recommencer depuis le début. A contrario, si une entreprise échange aujourd’hui ses factures plutôt au format papier ou PDF, elle n’a pas forcément l’obligation de passer par une PDP pour se mettre en conformité avec la réglementation. Elle peut s’orienter elle-même vers le PPF ou bien se faire accompagner par un OD pour sa mise en conformité ou bien, si elle le souhaite, vraiment passer par une PDP. La PDP n’est pas un passage obligatoire pour toutes les entreprises. C’est véritablement la nature du flux qui va orienter naturellement le choix de plateforme.

La profondeur de service et l’accompagnement qui va être proposé sont également un facteur de choix de plateforme. L’entreprise doit regarder quelles sont les actions qu’elle souhaite mettre en place avec son éditeur, avec son prestataire pour pouvoir gagner en efficacité opérationnelle, pour pouvoir fluidifier les différents circuits de traitement en interne, et pour pouvoir centraliser l’ensemble de ses flux. Peu importe à cet effet la provenance de ses flux, peu importe leur format, il faut plutôt capitaliser sur une gestion multicanale, qui est quand même un point essentiel. Il s’agit également d’un élément important pour aller au-delà de la facture en intégrant justement l’ensemble du processus comptable et donc bénéficier des workflows comptables les plus flexibles en prenant en compte les niveaux de complexité et la gestion interne d’une entreprise. Le service, l’accompagnement et la profondeur fonctionnelle des OD et PDP orienteront le choix des entreprises.

Cédric Podan : Différentes tailles et typologies d’entreprises sont concernées par cette réforme. Certaines sont franco-françaises, d’autres européennes ou encore multi-pays. Toutes n’auront pas les mêmes enjeux. Différents critères vont guider naturellement les entreprises vers une OD ou vers une PDP ou vers un mélange des deux. Dans certains cas de figure également, elles pourront s’appuyer sur plusieurs PDP. Le choix d’un acteur global, international ou franco-français sera dicté par les activités de l’entreprise et leurs périmètres. Par conséquent, si une entreprise a vocation à travailler sur différents pays, elle devra prendre en considération le fait que la réforme française nous impacte aujourd’hui, mais qu’il y a une directive européenne derrière. Nous assistons à l’évolution du contexte réglementaire dans différentes zones du globe. En Europe, nous avons par exemple commencé avec l’Italie. La France va enchaîner en 2024, au même titre que la Pologne, et d’autres pays comme l’Espagne ou la Bulgarie suivront. Donc, si une entreprise a une activité qui va au-delà du périmètre français, elle aura tout intérêt à sélectionner une PDP, par exemple, qui aura une couverture plus internationale que nationale. De même, les marchés d’Amérique latine sont en constante évolution d’un point de vue réglementaire. Pour certaines entreprises, il peut aussi être important de veiller à la capacité de leur PDP ou de leur OD à l’accompagner sur ces destinations-là.

De la même façon que le choix d’une PDP ou d’un OD peut être fait en fonction de la nature des flux ou des formats, type EDI, type PDF, facture papier aujourd’hui, la couverture internationale ou nationale d’une PDP demain sera un critère de sélection.

Cédric Podan, expert en facturation électronique chez Basware

« Différents critères vont guider naturellement les entreprises vers un OD, vers une PDP ou vers un mélange des deux. »

Cédric Podan est expert en facturation électronique chez Basware. Commercial depuis 22 ans, dont 10 ans chez un acteur majeur du secteur des systèmes d’impression (fax, copieurs, imprimantes multifonctions, etc.), et 12 ans au service de clients stratégiques chez deux éditeurs spécialisés dans la transformation digitale et l’automatisation des processus commerciaux et financiers (O2C, S2P). Cédric a rejoint Basware il y a cinq ans, où il a notamment participé à des projets avec des groupes tels qu’Alstom, Vinci, Chanel, Heineken, Engie, entre autres.

Cyrille Sautereau : Il y a en effet un projet d’alignement européen au travers d’un projet de directive VIDA qui a été publié en décembre dernier et qui a vocation à poser à l’horizon 2028 la facture électronique et d’abord de données, un peu comme en France, comme la norme, et le papier ou la facture non structurée comme l’exception. Il s’applique d’abord aux flux transfrontaliers, mais a aussi vocation à s’appliquer pour tous les Etats membres qui ne souhaitent pas rester en facturation papier. L’objectif est donc effectivement de conduire l’ensemble des pays européens à un mode de fonctionnement dont on pourrait penser que le modèle français est un peu le « core model », à quelques exceptions près. Globalement, c’est un mode qui se veut plutôt décentralisé, c’est-à-dire passant par une plateforme nationale potentiellement, mais aussi et surtout des plateformes privées, obligeant à produire de la facture électronique avec des données (a minima les mentions obligatoires), obligeant aussi à extraire des données de cette facture pour une transmission à l’administration en quasi-temps réel. Cette directive oblige aussi les pays membres de l’UE à s’aligner avec ce dispositif et pour ceux qui le mettent en œuvre plus récemment, à plutôt choisir directement ce mode de fonctionnement. Maintenant, il s’agit d’un projet de directive. Il doit être négocié et accepté à l’unanimité de l’ensemble des 27 pays membres de l’UE, il peut donc y avoir encore un peu de variations.

En tout cas, le sens politique au niveau européen tend vers un alignement des pratiques. D’ailleurs, on sent que par exemple l’Allemagne est assez inspirée par le modèle français, mais attend de voir ce qui va se passer au niveau européen pour entériner définitivement son mode de fonctionnement. La Belgique est également en train d’y passer. L’Espagne réfléchit et s’interroge entre le mode centralisé et décentralisé. Les pays européens dans leur ensemble ont compris ou sont en train de comprendre qu’il va y avoir un mode de fonctionnement à peu près uniforme, à quelques exceptions près.

Lucas Pantarotto : Globalement, la réglementation est complexe dans sa complétude. Evidemment il faut prendre les critères factuels basés sur un instant t, mais avoir la vision de ce qui va se passer ultérieurement, par exemple avec ces projets de directives européennes qui s’annoncent, avec l’uniformisation des techniques, des procédés, des documents, etc. Les entreprises doivent donc se poser les bonnes questions et s’interroger notamment sur l’intérêt qu’elles ont à se mettre dès maintenant en conformité avec la réforme sur la facturation électronique.

Aujourd’hui, les entreprises se trouvent face à des acteurs qui leur disent qu’ils seront PDP (ce qu’ils seront très certainement) ou opérateurs de dématérialisation. Mais pour le moment, aucun prestataire ne peut prétendre qu’il sera immatriculé PDP. L’entreprise doit donc faire son choix de prestataire sans cette information. A cet effet, elle doit regarder quel est l’impact le plus grand par rapport à son secteur d’activité. Par exemple, si l’entreprise a des systèmes très complets avec d’autres partenaires ou si elle embarque du P2P, alors elle aura intérêt à se tourner vers un spécialiste de l’EDI. D’autres peuvent avoir des échanges multicanaux, avec de la facture mais également différents documents à envoyer ou recevoir via d’autres canaux d’échanges avec ses partenaires. Alors, mieux vaudra qu’elle centralise et harmonise ses processus via un outil complet et multicanal. Sur le multicanal, il y a également des cas de figure où il faut faire de l’e-reporting, pour se mettre en conformité avec les attendus réglementaires et faire sa déclaration, mais également continuer d’envoyer sa facture papier. Dans ce cas, vaut-il mieux rester dans sa relation traditionnelle avec son partenaire qui peut avoir une préférence de support de destination ? S’agit-il d’un partenaire qui a plus l’habitude d’être sur le terrain que derrière son bureau et aura-t-il une préférence pour garder le papier ? Autant de questions que les entreprises doivent se poser.

A travers la cartographie, à travers les cas d’usage, les entreprises verront tout de suite quels sont leurs plus grands intérêts. C’est vraiment ça qui permettra de faire le choix entre un OD, une PDP ou le portail public de facturation. Ensuite, il est important d’écouter ce que les prestataires ou les providers de solutions ont à dire, car cela peut élargir le scope des réflexions. Enfin, il faut statuer. Nous voyons encore trop de clients et prospects qui ont sept ou huit devis sur leur bureau.

En résumé, il faut avoir l’état de l’art de la réglementation, ce qui est attendu et comment l’entreprise peut, grâce à la date structurée, optimiser ses processus. Ensuite, il convient que l’entreprise mette en place sa roadmap tout en s’appropriant la réglementation : par exemple, est-ce qu’elle en profite pour capitaliser sur les données de facturation pour faire l’analytics, créer de la valeur, créer des automatismes, prendre des décisions… Dans ce cas, la centralisation des factures est primordiale. L’optimisation de la trésorerie, comptablement parlant avec par exemple des services bancaires, est à voir dans un second temps. Néanmoins, cet objectif et la profondeur de services de la solution sont également des critères importants pour le choix du prestataire

Lucas Pantarotto, responsable national du développement commercial chez Pitney Bowes

« La cartographie des cas d’usage permettra aux entreprises de choisir le ou les partenaires qui accompagneront leur passage à la facturation électronique. »

Lucas Pantarotto, responsable national du développement commercial chez Pitney Bowes, est un ingénieur de formation et un expert en solutions de gestion documentaire. Avec 10 ans d’expérience dans ce domaine et une expertise avérée en facturation électronique, il est le partenaire idéal pour les entreprises souhaitant optimiser leurs processus de gestion de la facturation. Il met au point avec ses clients des solutions performantes et innovantes pour améliorer la rentabilité et l’efficacité de chaque cas d’usage. Sa connaissance approfondie des enjeux de la nouvelle loi française de 2024 en fait un acteur clé pour accompagner les entreprises dans leur transition vers la facturation électronique.

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