L’article 155 A est un dispositif anti-abus qui permet à l’administration fiscale d’assujettir à l’impôt en France une personne qui y rend des prestations de services facturées par l’intermédiaire d’une entité étrangère interposée. Ce texte est applicable aux personnes domiciliées en France et hors de France, l’administration faisait pour ces dernières une lecture particulièrement large des textes, que le Conseil d’Etat est venu heureusement recadrer.
Par Eric Ginter, avocat associé, et Eric Chartier, avocat associé, Altitude Avocats
Par une décision de principe rendue le 22 janvier 20181, le Conseil d’Etat précise comment l’article 155 A du CGI doit s’appliquer aux contribuables domiciliés hors de France.
Pour rappel, l’article 155 A, II du CGI prévoit que le dispositif anti-abus institué par cet article (taxation du «prestataire réel» et non pas du «prestataire apparent» que constitue l’entité interposée) s’applique aux personnes domiciliées en dehors de France, mais uniquement à raison des «services rendus en France» par celles-ci.
Il s’agit là d’un critère de territorialité tout à fait compréhensible puisque la France n’aurait, bien sûr, aucune compétence à taxer des prestations réalisées à l’étranger par des personnes qui y résident.
Cependant, l’administration adopte traditionnellement une approche extensive de cette notion, et va jusqu’à soutenir qu’il n’est pas nécessaire qu’une prestation soit physiquement réalisée en France pour y être «rendue» au sens de l’article 155 A. C’est ainsi que, selon l’administration, un cabinet de conseil (avocat par exemple) établi à l’étranger relève du champ de l’article 155A, au seul motif, implicitement entendu, que le client serait français. Il n’échappe à cet article que par mesure de tempérament, si «la réalité des services rendus… est établie de façon indiscutable»2.
Cette interprétation avait trouvé des illustrations pour le cas de personnes exerçant une activité de services en France (par exemple de gestion de société), et qui continuaient à l’exercer après avoir quitté notre territoire, par une société interposée. Poursuivre de telles activités ne signifie pas, nécessairement, que ces services continuent d’être rendus physiquement en France, puisqu’il est parfaitement possible, technologiquement, de les rendre à distance dans d’autres pays.