L’absence de la France dans la course aux vaccins anti-covid a fait resurgir les critiques sur le trop faible soutien financier accordé à la recherche. Pour Antoine Papiernik, président de Sofinnova Partners, la plus ancienne société de capital-risque en France, l’analyse doit être nuancée : l’environnement est en train d’évoluer favorablement et la crise, en modifiant la hiérarchie des risques et des priorités, devrait relancer l’intérêt des investisseurs pour cet enjeu majeur que constituent les biotechs.
Dans une récente interview, Katalin Kariko, vice-présidente de BioNTech, la biotech allemande pionnière dans les vaccins anti-Covid, expliquait l’absence de succès français par un probable manque de financement. La remarque est récurrente, notamment de la part de chercheurs français partis à l’étranger. Qu’en pensez-vous ?
Il est vrai que les Etats-Unis ont démarré beaucoup plus tôt dans le domaine du capital-risque que la France ou même l’Europe. Mais les critiques actuelles, notamment celles venant de l’extérieur, ignorent le fait que le paysage a considérablement évolué ces cinq dernières années. Chez Sofinnova Partners, nous sommes bien placés pour le savoir car nous investissons sur les deux continents. Notre principal fonds, Sofinnova Capital, reçoit 1 500 dossiers par an tous pays confondus, et beaucoup viennent de France. Nous constatons globalement une hausse croissante de la qualité des entreprises et de leur management, et l’innovation est de même niveau en Europe qu’aux Etats-Unis.
De son côté, l’offre de capitaux dans les sciences de la vie a considérablement augmenté. Quand j’ai rejoint Sofinnova Partners en 1997, notre principal fonds, Sofinnova Capital, venait de lever pour son second tour de table 47 millions d’euros. Aujourd’hui nous avons plus de 2 milliards d’euros sous gestion. En parallèle, de nouveaux acteurs du venture capital (VC) sont apparus sur le marché. En conséquence, les levées de fonds pour une série A (l’étape suivant la phase d’amorçage) peuvent désormais atteindre 60-70 millions d’euros, ce qui était inimaginable il y a quelques années.