Entretien avec Yves Perrier, président du conseil d’administration d’Edmond de Rothschild, président d’honneur d’Amundi. Sous l’effet de la fin de la globalisation et de la transition écologique, l’économie mondiale est entrée dans une période de grande transformation. La France pourrait y trouver l’opportunité d’enrayer son déclin en mettant en place un nouveau modèle d’économie politique, visant à retrouver un statut de puissance autonome, estime Yves Perrier dans un récent ouvrage, intitulé « Quelle économie politique pour la France ?* ». Pour celui qui fut l’artisan de la construction du leader européen de l’asset management, Amundi, cette stratégie passe aussi par le retour d’un capitalisme industriel et national, fondé sur le rétablissement d’un pacte entre l’Etat, les entreprises et les citoyens.
Alors que beaucoup d’ouvrages dressent régulièrement le bilan de la politique économique de la France, vous montrez, dans un essai que vous venez de rédiger avec François Ewald, que c’est plus largement une nouvelle économie politique dont le pays a besoin. En quoi est-il urgent de modifier notre approche en la matière ?
La France est actuellement à la croisée des chemins. Avec François Ewald, nous avons voulu écrire un livre qui ne parle pas simplement des symptômes, désormais bien connus, de son déclin relatif (PIB par habitant, déficit de la balance commerciale, déficit du budget, endettement public et privé…), mais qui fasse ressortir ce que nous considérons comme les causes profondes de cette situation, afin de tracer ensuite des axes de redressement.
L’économie, comme discipline universitaire, peut chercher à dégager des règles intangibles et universelles. Dans la réalité l’économie, ce sont des hommes et des femmes qui entreprennent, innovent, travaillent dans les conditions déterminées par une multitude de facteurs nationaux et internationaux. L’économie, c’est combiner du capital et du travail de la manière la plus efficace possible pour créer de la richesse. Une politique économique ne peut se concevoir en dehors d’un projet pour le pays, de valeurs partagées entre les acteurs économiques et les citoyens. Elle doit s’inscrire dans un contexte social, prendre en compte les intérêts et les contradictions entre les parties prenantes. Elle doit enfin s’insérer dans un cadre géopolitique. C’est pour ces raisons que l’économie est éminemment politique.