L’arrestation et le placement en garde à vue spectaculaires de Carlos Ghosn interrogent sur le fonctionnement de la justice japonaise. Peu concernés jusqu’alors, les dirigeants étrangers découvrent à présent ce qu’ils risquent.
Depuis l’arrestation, en novembre dernier, du patron de Renault-Nissan Carlos Ghosn au Japon, les révélations concernant la procédure pénale japonaise ont stupéfait bien des dirigeants étrangers. D’une singulière dureté, cette procédure a de quoi inquiéter ceux amenés à se déplacer au Japon. «En réalité, les poursuites criminelles au Japon, particulièrement pour la délinquance en col blanc, sont rares», assure Jean-Denis Marx, associé du cabinet Baker McKenzie à Tokyo. «Le cas de Carlos Ghosn est très singulier, confirme son confrère Laurent Dubois, associé de TMI Associates. Il n’y a pas à ma connaissance d’autre dirigeant d’entreprise étrangère emprisonné au Japon pour des délits économiques.»
La surpuissance du procureur
Rien à voir donc avec l’extraterritorialité du droit américain et le risque de se voir reprocher un délit n’ayant qu’un lointain rattachement avec le Japon pour tomber dans ses geôles. «Comparé à la plupart des systèmes occidentaux, le rôle du procureur au Japon est surpuissant par rapport à celui de l’avocat et du juge. Il est le seul maître de la procédure et a tous les pouvoirs, explique Jean-Denis Marx. Mais il a une fragilité, sa réputation, qu’il doit prendre soin de conserver intacte. C’est ce qui explique le soin minutieux avec lequel il choisit et travaille ses dossiers.» La contrepartie de sa surpuissance, c’est la parcimonie avec laquelle il l’utilise. Pour espérer déclencher une procédure, quand on s’estime victime d’un délit économique, il faut passer des mois, voire des années à constituer un dossier très solide et le déposer sur le bureau des policiers ou des procureurs. Ce qu’a précisément fait Nissan.