Malgré les liquidités injectées depuis des années dans l’économie, l’inflation reste plus faible que l’objectif de 2 % affiché par les banques centrales. Une évolution structurelle, estime Jacques de Larosière. Face aux perturbations engendrées par les taux négatifs, les autorités monétaires devraient pour l‘ancien gouverneur de la Banque de France et ancien directeur général du FMI, faire preuve de davantage de flexibilité.
Dans une récente analyse intitulée «Sortir la politique monétaire de l’impasse», vous vous élevez notamment contre l’objectif de 2 % d’inflation, devenu «le guide absolu de la politique monétaire». En quoi ce seuil doit-il être remis en cause ?
Depuis longtemps, j’ai le sentiment que fixer la cible d’inflation autour de 2 % est une erreur. L’observation montre en effet que l’inflation n’atteint plus ce seuil depuis une dizaine d’années. Plusieurs facteurs structurels expliquent cette évolution. Le vieillissement des populations, d’abord, se traduit par une baisse de la consommation et de l’investissement, et une hausse de l’épargne. De plus, la mondialisation conduit depuis une vingtaine d’années à importer des produits en provenance des pays émergents où les salaires sont faibles, ce qui non seulement entraîne une baisse des indices des prix à la consommation, mais, plus insidieusement, conduit depuis des années à un plafonnement des salaires dans les pays développés. A cela s’ajoutent les progrès de la technologie, le développement de l’e-commerce, qui font baisser les prix des objets de consommation de façon structurelle. Dans ces conditions, le fait que l’inflation d’équilibre – qui permet un développement de l’économie sans hyperinflation et sans déflation – évolue actuellement autour de 1,3 %-1,4 % dans la zone euro n’a rien d’illogique. Par conséquent, s’obstiner à vouloir atteindre 2 % n’a pas de sens car cela oblige à mener une politique de création monétaire exagérément généreuse sans raison objective, et avec des conséquences très dommageables pour le système financier.