Les modalités de mise en oeuvre du libra, le projet de monnaie numérique de Facebook, ainsi que ses ambitions, ont de quoi inquiéter non seulement les banques, mais aussi plus fondamentalement les Etats. Ceux- ci pourraient prendre des mesures de rétorsion à la hauteur de l’enjeu, prévient Jérôme Mathis, professeur à l’université Paris-Dauphine.
Facebook a fait sensation en annonçant en juin dernier son intention de créer une nouvelle monnaie numérique. S’il voit le jour, le Libra marquera-t-il une étape importante dans l’histoire financière ?
Le Libra peut potentiellement constituer une véritable rupture dans l’histoire monétaire, mais pas en tant que nouvelle monnaie numérique. En effet, il existe déjà actuellement quelque 2 300 cryptomonnaies, qui capitalisent plus de 330 milliards de dollars, soit près d’un quart du montant total des pièces et des billets libellés en euros. Le Bitcoin concentre à lui seul plus de la moitié de ce montant. Mais ce succès ne devrait pas durer, surtout si le Libra se concrétise : le Bitcoin étant une monnaie décentralisée, non adossée à des actifs, son cours fluctue de manière erratique, ce qui l’empêche de devenir un moyen de paiement universel.
Le Libra devrait être en revanche la première cryptomonnaie réellement adossée à des actifs physiques puisqu’il évoluera en fonction d’une réserve financière, constituée de grandes devises et d’obligations gouvernementales. Sa crédibilité sera en outre assurée par la présence, au sein de l’association qui réunit les membres fondateurs, de géants des nouvelles technologies, des paiements, des télécoms… C’est donc par sa mise en œuvre que le Libra pourrait être révolutionnaire, comme Amazon l’a été pour le commerce en ligne, Airbnb pour la location saisonnière, Blablacar pour le covoiturage… Ces entreprises n’ont rien inventé, mais elles ont réussi à développer à grande échelle des services qui existaient déjà et à les industrialiser de manière tellement efficace que les consommateurs les ont adoptés en masse.