Le mouvement que vous présidez fédère des dirigeants d’entreprises engagées et solidaires, notamment dans la Tech. Alors que la campagne présidentielle bat son plein, il publie un manifeste pour une transformation « juste et durable » de l’économie française. Quelles en sont les principales propositions ?
Nous militons d’abord pour la création d’un statut d’entreprise à impact plus approfondi que ceux, existants, d’entreprise à mission et d’entreprise solidaire d’unité sociale. Celui-ci permettrait de distinguer réellement les sociétés dont le modèle est entièrement tourné vers la transition durable. Nous soutenons par ailleurs la mise en place d’une fiscalité incitative pour les produits éco-conçus au travers d’une TVA préférentielle, et pour les acteurs les plus vertueux avec, notamment, l’instauration d’un impôt sur les sociétés indexé sur la performance ESG. Enfin, nous pensons que les jeunes entreprises impliquées dans l’innovation sociale et écologique doivent être soutenues de la même manière que les jeunes entreprises technologiques. Il faut donc qu’elles bénéficient, elles aussi, de crédits d’impôts dédiés, d’une exonération de charges patronales durant les cinq premières années de leur existence et d’une exonération temporaire d’IS. L’introduction d’une éco-conditionnalité dans les programmes d’investissement d’avenir (PIA) serait également perçue comme un pas dans ce sens.
Vous condamnez régulièrement le greenwashing. Comment lutter contre cette pratique ?
Celui-ci prospère en grande partie à cause de la très grande disparité des normes ESG. La taxonomie européenne va certes permettre un meilleur fléchage de l’investissement, mais elle doit être renforcée par le déploiement d’une comptabilité extra-financière. L’Union européenne s’est saisie du sujet mais doit accélérer ses travaux si elle ne veut pas subir la loi des Etats-Unis, comme cela s’est produit pour les normes comptables.
La French Tech connaît depuis dix-huit mois un développement sans précédent. Comment jugez-vous cette croissance ?
La structuration de cette filière est un incontestable succès. Néanmoins, il convient aussi de souligner ses limites. Celles-ci sont d’abord structurelles. Si la liste des licornes françaises ne cesse de s’allonger, un certain nombre risquent, en l’absence d’un terreau suffisamment diversifié et qualifié d’investisseurs et d’une place boursière spécialisée, d’être confrontées à des problèmes de sorties. Ensuite, trop de services proposés par le secteur sont encore éloignés des enjeux essentiels de demain. La France et l’Europe doivent mettre l’accent sur les technologies utiles plutôt que courir derrière les GAFAM. Est-il souhaitable, enfin, qu’une start-up dont le principal service consiste à permettre l’échange de cartes de footballeurs dématérialisées lève des centaines de millions d’euros quand d’autres, dont les missions sont d’utilité publique, peinent à trouver des financements ?
Comment rendre la French Tech plus “responsable”?
Il faut changer les pratiques de reporting de ses entreprises. Rien ne justifie que les sociétés du Next 40 et du French Tech 120, dont la promotion et l’accompagnement par l’Etat reposent sur des fonds publics, ne publient pas, chaque année, leur bilan carbone. A terme, les tours de table devront être conditionnés à l’atteinte d’un certain nombre d’objectifs durables. En outre, en faisant de Bpifrance la « banque de la transition », les pouvoirs publics pourraient faire émerger, d’ici quelques années, une trentaine de « licornes à impact ».