L’irrégularité de l’usage ou de la destination d’un immeuble n’en n’empêche pas nécessairement son acquisition mais nécessite que l’acquéreur appréhende au préalable les différents risques inhérents à cette irrégularité.
Par Benjamin Bill, avocat associé en droit immobilier. Il conseille, tant sur le secteur privé que public, les investisseurs, les gestionnaires d’actifs et les sociétés immobilières et les accompagne dans le cadre de leurs projets immobiliers nationaux et transfrontaliers. benjamin.bill@cms-fl.com
et Pierre Popesco, avocat associé en droit immobilier. Son activité couvre l’ensemble des aspects transactionnels des opérations immobilières : structuration de partenariat, constitution de fonds d’investissement, acquisition et vente d’immeubles ou de sociétés immobilières, montage d’opérations de construction et de promotion immobilière, baux commerciaux. pierre.popesco@cms-fl.com
Le risque pénal
Il existe durant six ans à compter de l’achèvement des travaux à l’origine de l’irrégularité mais il ne concerne pas directement l’acquéreur en l’absence d’opération réalisée sous sa responsabilité.
Par contre, les éventuelles mesures de mise en conformité accompagnant la condamnation pénale du vendeur lui sont opposables en raison de leur caractère réel (transmissibles avec l’immeuble). Si les frais de remise en état incombent en principe au vendeur, la jurisprudence admet qu’ils puissent faire l’objet de garanties contractuelles par l’acquéreur, contrairement à l’amende, à négocier selon l’étendue des mesures de restitution envisageables. L’obtention d’une autorisation pourra permettre de régulariser la situation du bien (si les règles d’urbanisme applicables l’autorisent) et de faire obstacle à l’exécution des mesures de restitution1, tout en purgeant les risques administratifs.
Les risques administratifs
Les demandes d’autorisations d’urbanisme futures devront porter sur l’ensemble des travaux irréguliers. A défaut, l’acquéreur pourra se voir opposer un refus au motif de l’irrégularité initiale, sauf à bénéficier de la prescription administrative de dix ans qui ne joue toutefois pas dans certains cas, notamment pour les travaux réalisés sans permis de construire, mais qui joue a contrario, pour le changement de destination soumis à déclaration préalable.
L’autorité administrative peut saisir le Tribunal de grande instance pour faire ordonner la mise en conformité, pendant dix ans à compter de l’achèvement des travaux à l’origine de l’irrégularité.
Cette dernière fera aussi obstacle au bénéfice de la reconstruction à l’identique en cas de sinistre2.
Par ailleurs, le défaut d’agrément pour la création d’activités économiques en Ile-de-France3 constitue une infraction passible des sanctions prévues par l’article L.480-4 du Code de l’urbanisme : pourra être ordonnée l’évacuation des locaux irrégulièrement occupés et leur remise dans leur état initial, sans que puissent être opposées les conventions passées en violation de cette obligation4.
Le risque fiscal
Certaines opérations de changement d’affectation à usage de bureaux, locaux commerciaux, ou locaux de stockages5 sont passibles d’une redevance et soumises à déclaration (sous peine d’une majoration de 10 %). La prescription de six ans court à compter de l’achèvement des travaux à l’origine de l’irrégularité.
Les risques civils
En matière de changement d’usage, l’acquéreur est directement concerné par le risque d’amende civile de 50 000 euros maximum par local et sera tenu d’opérer le retour à l’usage d’habitation du local. En outre, les actes conclus en méconnaissance de l’usage des locaux sont nuls6. Cette nullité frappe ainsi les baux mais aussi les actes de vente7. Elle peut être invoquée par l’autorité compétente mais aussi par le cocontractant pendant un délai de cinq ans à compter de leur connaissance de l’irrégularité8. Dans un tel cas, la vente de l’immeuble est à écarter et la vente de la société propriétaire de l’immeuble peut être envisagée, pour autant que la régularisation soit possible et mise en œuvre dans les meilleurs délais.
1. Crim., 18 juin 1997, 96-83.082.
2. Article L.111-15 du Code de l’urbanisme.
3. Article L.510-1 du Code de l’urbanisme.
4. Articles L.510-2 et L510-3 du Code de l’urbanisme.
5. Article L.520-1 du Code de l’urbanisme.
6. Article L.631-7 du Code de la construction et de l’habitation.
7. 3e civ., 25 juin 1997, 95-17.028.
8. CA Paris, 16 mai 2012, n° 10/08589.