La lettre de l'immobilier

Septembre 2018

Notion d’assiette foncière : l’existence des lots-volumes réfutée en fiscalité ?

Publié le 17 septembre 2018 à 14h55    Mis à jour le 17 septembre 2018 à 18h17

Pierre Carcelero

Plusieurs dispositifs de défiscalisation visent les mutations d’une assiette foncière destinée à l’édification de constructions. Une récente décision de la Cour de Cassation entretient un trouble en confirmant une position de l’Administration selon laquelle, en cas de division en volumes, la cession des lots ne caractériserait pas le transfert d’une assiette foncière pour les futures constructions.

Par Pierre Carcelero, avocat associé en fiscalité. Il traite notamment des dossiers d’acquisition et de restructuration de groupes immobiliers cotés et non cotés et les conseille sur leurs opérations. Il est chargé d’enseignement en droit fiscal à l’Université de Montpellier. pierre.carcelero@cms-fl.com 

Nous rappellerons que la division en volume peut être définie comme une division de «la propriété d’un immeuble en fractions distinctes, sur le plan horizontal comme sur le plan vertical, qui peuvent se situer au-dessus comme en-dessous du sol naturel, chaque fraction s’inscrivant dans l’emprise de volumes définis géométriquement en trois dimensions»1.

Il a longtemps été considéré que de tels droits ne pouvaient être constitués que sur des constructions existantes mais il est désormais admis2 qu’ils puissent porter sur des droits à construire, ce qui revient, pour les droits «en étage» à considérer un cube d’air dans le périmètre duquel une fraction de construction a vocation à être édifiée.

Ces particularités ont conduit certains services de l’Administration à considérer qu’un cube d’air ne pouvait pas constituer l’assiette foncière d’une construction à défaut de droits classiques sur le terrain physique.

Cette analyse aurait pu se heurter à deux observations de bon sens. Elle implique en effet :

– de priver le terrain même d’existence juridique en tant qu’assiette foncière à raison d’une fiction juridique totalement déconnectée de l’évidente réalité ; ou

– de limiter la notion d’assiette foncière à ceux des lots-volumes situés au niveau du sol (rez-de-chaussée ou sous-sols) ce qui conduirait à créer une discrimination sans fondement entre les lots.

Saisie par un contribuable, la Cour de Cassation s’est prononcée le 16 mai 2018 (Cass. com., n° 16-25192).

Le contexte était le suivant.

Une société avait procédé à l’acquisition d’un lot-volume et demandait à bénéficier de la réduction des droits d’enregistrement prévue par le Code des impôts de Nouvelle-Calédonie (art. Lp. 290-1, I), pour l’acquisition d’un bien constituant l’assiette foncière d’une construction éligible.

L’Administration s’y est opposée sans contester l’éligibilité des constructions mais au motif que les droits à construire attachés au lot-volume ne pouvaient constituer une telle assiette foncière.

La Cour juge à cet égard que le bénéfice de l’avantage est réservé aux personnes morales qui acquièrent des immeubles ayant vocation à constituer l’assiette foncière d’un programme immobilier locatif et que le texte ne prévoyait pas explicitement son application à l’acquisition de lots-volume, de sorte que la société a valablement été privée de son application.

La Cour fait référence à l’intention des auteurs du texte qui ont expressément prévu de faire bénéficier de l’exonération les acquisitions de «terrains à bâtir».

Mais on notera toutefois que cette position paraît très restrictive. En particulier, il ressortait des travaux préparatoires que l’intention du législateur était de favoriser la production d’habitats dans le secteur intermédiaire. Il ne paraîtrait donc pas illégitime de considérer que la notion d’assiette foncière, non spécifiquement définie, puisse viser l’ensemble des droits permettant la construction de logements éligibles.

Nous espérons que la décision de la Cour de Cassation constituera une décision d’espèce dont le principe pourrait ultérieurement être remis en cause. Si les lots-volumes devaient être considérés comme une abstraction juridique davantage que comme un composant du terrain d’origine, cela pourrait avoir, dans tous les domaines du droit, de significatives conséquences.

1. D. Sizaire, JCP 1988, éd. N., I, p. 323.

2. Cass. civ. 3e, 7 octobre 1998, n° 1506.

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